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SHŪBUN TENSHŌ (XVe s.)

Un symbole

Bon nombre de ces rouleaux ont été, au cours des siècles, attribués à Tenshō Shūbun, moine du Shōkoku-ji. Mais sa biographie reste sommaire. Bien qu'aucun texte japonais n'en ait fait mention, les annales de la dynastie coréenne des Yi indiquent qu'en 1423 Shūbun fit partie d'une ambassade, venue du Japon pour chercher dans la péninsule une version imprimée du Tripitaka (Canon bouddhique). Grâce au Onryōken jitsuroku (registre du Shōkoku-ji), on sait que, dans les années 1430-1440, il exerça les fonctions de tsukan (sorte de trésorier), qu'il agrémenta de couleurs une statue, réparant aussi une image de Bodhisattva pour le Daruma-ji de Nara et exécuta une triade d'Amida pour l'Ungo-ji de Kyōto.

Ses activités de peintre restent plus floues. Des moines éminents, tels Shinden Seihan (mort en 1445) et Zuiganryūko (mort en 1460), composèrent des poèmes pour ses rouleaux, aujourd'hui disparus. À la date de 1438, le Kammon Goki, journal du prince Fushimi Sadafusa, père du futur empereur Go-Hanazono, signale des fusuma ornés de pins par Shūbun. On suppose qu'il fut employé par le shōgun Ashikaga comme goyō esshi (peintre officiel) puisque, son élève Oguri Sōtan ayant été appelé à occuper ce poste en 1463, il fut convenu qu'il recevrait les mêmes émoluments que son maître.

Bien que plusieurs de ses œuvres soient encore mentionnées à la fin du xve siècle (en particulier un paravent de fleurs et d'oiseaux en 1491), il n'en subsiste plus aucune.

On ignore quels furent les critères qui, au xviie siècle, permirent à Kanō Tan-yū et à son neveu Tsunenobu d'attribuer à Shūbun plusieurs paysages ; certaines de ces attributions ont été révisées dans les années 1950.

Si l'on examine quelques-uns des shigajiku qui sont traditionnellement attribués à Shūbun – tels le Shoku san (le Mont Shu, site chinois célèbre) de la donation Seikadō à Tōkyō, le Chikusai tokusho (Pavillon de lecture dans un bosquet de bambous) ou le Kōten en-i (Lointains sur le ciel et le fleuve) du musée Nezu à Tōkyō –, on y observe des montagnes lointaines entourées de brumes que balance dans un coin un premier plan plus solide : rivages ou rochers que surmontent des arbres déchiquetés se profilant sur le vide et assurant une transition entre le premier plan et les sommets des fonds. Ce sont là des modes de composition empruntés à Ma Yuan, tandis que les traits vigoureux et parallèles d'un Xia Gui modèlent parfois les premiers plans. Mais, contrairement à l'atmosphère vibrante des lyriques Song du Sud, ici règnent le calme et la sérénité. Dans ces œuvres, on décèle des mains différentes sans que puisse être déterminée celle qui caractérisait Shūbun.

Un problème analogue se pose pour les séries de paravents, héritages des grandes familles japonaises, qui, sur le thème des quatre saisons, combinent des éléments empruntés à Ma Yuan et à Xia Gui, mais avec d'importantes différences dans le métier.

La tradition veut que Shūbun ait été le premier à adapter à de grandes surfaces les thèmes qui, en Chine, étaient limités au cadre étroit d'un « kakemono » ou d'une feuille d'album et qui perdirent dans ces transpositions la vigueur de leurs structures originelles. Mais on observe, en fait, dans certains e-makimono du xive siècle, tel le Hōnen shōnin eden (Biographie illustrée de Hōnen), et dans de riches résidences des décors du même genre, qui montrent que d'autres artistes avaient précédé Shūbun dans cette voie.

Force est donc de considérer comme un symbole Shūbun, qui, avec Josetsu son prédécesseur au Shōkoku-ji, donna ses lettres de noblesse au paysage à l'encre de Chine. De son disciple Oguri Sōtan rien n'a été conservé, et le fils de ce dernier, Sōkei, semble répéter des formules déjà archaïsantes dans les fusuma[...]

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Écrit par

  • : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet

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