SHUI HU ZHUAN [CHOUEI HOU TCHOUAN]
Sujet et composition
Les versions écrites et orales des Bords de l'eau racontent les aventures d'une bande de cent huit brigands du xiie siècle dont le repaire, le célèbre Liangshanbo, « lac marécageux des monts Liang », se trouvait dans la partie occidentale de la province du Shandong. Ce lac, créé en 944 par un changement de cours du fleuve Jaune, a occupé pendant plus d'un siècle une aire de 400 kilomètres de circonférence. Sur ses bords couverts de roseaux et dans les collines alors boisées du voisinage purent trouver asile, à certaines époques, des réfractaires à l'ordre établi.
Le Shui hu zhuan n'est pas un récit homogène dont les parties apparaîtraient subordonnées au tout par l'effet d'une conception unique et savamment architecturée. C'est plutôt une suite d'épisodes autonomes et assez lâchement reliés entre eux par les thèmes permanents de la Bande fraternelle et de son repaire, et par la présence simultanée ou successive, mais intermittente, d'un petit nombre de personnages principaux. Ces épisodes diffèrent souvent à tel point les uns des autres par le style, par l'inspiration, ou même par le détail historique et géographique, qu'il faut tantôt y reconnaître des origines diverses, insuffisamment fondues ensemble par le ou les auteurs du roman, et tantôt des additions postérieures.
Les épisodes qui constituent les deux premiers tiers du roman ont pour sujet la naissance et la croissance de la Bande, que viennent former progressivement, en général un par un, exceptionnellement par petits groupes, cent cinq hommes et trois femmes qui presque tous ne se connaissaient pas au début. L'attention du récit se porte tour à tour sur l'histoire personnelle de chacun de ces héros. Il en explique le tempérament, les origines sociales, l'activité professionnelle. Il fait peu à peu apparaître autour d'eux toute une humanité bigarrée et comme eux bouillonnante de vie, dont ils restent des représentants typiques, même quand ils s'en sont séparés pour « prendre le maquis ».
Le véritable propos du Shui hu zhuan n'est pas de décrire l'existence d'une troupe de hors-la-loi. S'il met en scène – et avec quelle abondance de détails hauts en couleur – telle razzia fructueuse, tel combat contre un bourg hostile, telle négociation avec des envoyés impériaux, c'est pour mieux exposer dans leur contexte les motifs pour lesquels tel individu décide ou refuse d'aider la Bande ou de se joindre à ses rangs ; c'est pour analyser, à travers conflits et crises, l'évolution des esprits et des comportements. Ce qui passionne Shi Nai'an – s'il est bien l'auteur de ces épisodes, ou de certains d'entre eux – c'est d'étudier pourquoi et comment un homme comme vous et moi peut devenir bandit. Là est son originalité.
Mis à part quelques passages comme celui, fort long mais de la meilleure veine, qui relate l'enfance et la jeunesse du rebelle Wang Qing, le dernier tiers du roman n'a pas la valeur littéraire et l'invention des deux premiers ; il paraît parfois démarquer le Roman des Trois Royaumes (San guo zhi yanyi). La Bande y fait sa paix avec les autorités impériales et se bat, à leur service, contre les Liao, un envahisseur étranger, puis contre les rebelles Tian Hu, Wang Qing, et finalement Fang La. Ces quatre campagnes sont victorieuses mais coûtent à la Bande un grand nombre de morts. Les survivants sont décimés au cent vingtième et dernier chapitre par la traîtrise de ministres dont la rancune n'a pas désarmé.
Quelques éditions du début du xviie siècle, dont l'une a été reproduite de nos jours, donnent un texte complet du Shui hu zhuan, dont les cinquante derniers chapitres sont en revanche totalement absents de l'édition publiée en 1644 par Jin Shengtan, et de la plupart[...]
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Écrit par
- Robert RUHLMANN : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, professeur de chinois à l'Institut national des langues et civilisations orientales, université de Paris-III
Classification
Autres références
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