SHUI HU ZHUAN [CHOUEI HOU TCHOUAN]
Expression littéraire
Les ressources techniques et artistiques du Shui hu zhuan sont immenses. Le récit débute sans prétention et s'attache tour à tour à chacun des héros ; il les réunit et les sépare au fil des tournants de l'action, abandonne ici l'un pour suivre l'autre et plus loin retrouver le premier, lui faire raconter avec naturel ce qui lui est arrivé entre-temps, éclairer chaque fois qu'il est nécessaire les antécédents de l'un ou de l'autre par des retours en arrière. C'est peu à peu, de conflit en conflit, par la démarche même de la vie, que les tempéraments individuels se révèlent au lecteur, qui de proche en proche fait connaissance avec toute une « comédie humaine à cent actes divers ».
La variété des situations où évoluent ces héros, avant de ce joindre à la Bande et ensuite, montre chez les auteurs une connaissance précise de toutes les couches de la société de leur temps : la psychologie, le langage, les manières de tous les degrés de l'échelle sociale leur sont familiers. Ils démontent les causes et le déroulement des moindres événements de manière à leur donner une vraisemblance sans faille. Les dialogues sont d'une justesse étonnante, sans jamais rien de forcé ou d'artificiel. Chaque personnage parle, s'énerve ou rit comme il le ferait dans la réalité, mais avec perfection. Quand le roman raconte ou décrit, il choisit les seuls détails qui importent pour éclairer les caractères et les situations ; il manifeste alors une minutie extrême. Il est capable aussi de la plus grande sobriété, et d'une prestesse qui brûle toutes les étapes inutiles. Avec un sens très sûr de la péripétie et du suspense, il prépare soigneusement les effets les plus surprenants, et parvient d'autant mieux à émerveiller son lecteur que l'événement, longuement prévu et craint, finit par se produire au moment où une diversion ménagée à l'improviste fait qu'on ne l'attendait plus.
Cette technique a été léguée aux romans chinois par leurs devanciers les récits oraux, après avoir été mise au point pour ceux-ci au long d'une évolution de plusieurs siècles dont nous saisissons les premières étapes grâce aux manuscrits de Dunhuang (Touenhouang). Le petit auditoire qui entoure un conteur ne laisse passer rien de faux, d'invraisemblable ou d'ennuyeux. C'est de cette rude école que le Shui hu zhuan a tiré le meilleur de sa valeur littéraire.
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Écrit par
- Robert RUHLMANN : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, professeur de chinois à l'Institut national des langues et civilisations orientales, université de Paris-III
Classification
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