ARAKAWA SHUSAKU (1936-2010 )
Peintre japonais, né à Nagoya, Arakawa est considéré comme un artiste américain, car depuis 1961 il vit et travaille à New York, où il a rapidement acquis une réputation internationale en participant à de nombreuses expositions, comme celles du musée d'Art moderne de la Ville de Paris en 1970 ou du Stedelijk Museum d'Amsterdam en 1978. L'œuvre d'Arakawa est énigmatique, car irréductible à quelque catégorie que ce soit, puisant à la fois aux sources des civilisations de l'Orient et de l'Occident. Déjà ses premières toiles se caractérisent par l'emploi simultané de l'écriture (phrases, intitulés ou noms communs) et du dessin (lignes et figures géométriques) : la couleur est posée en aplats discrets et légers, dans des dégradés pastel de gris allant jusqu'au blanc, de jaune, de rose et de bleu. D'une relative simplicité au début, l'œuvre devient rapidement complexe. I (1978, 183 × 305 cm) montre trois états d'un cylindre vertical — entier, en train de se tordre et simplement esquissé — portant chacun une mention écrite en capitales : Tube, Twisted Tube et Broken Tube. Superposées à ces figures, trois lignes horizontales allant du blanc au gris sont placées au milieu de la toile, tandis qu'un fin réseau de diagonales et de verticales bleues, jaunes et rouges couvre toute la surface et que deux grands cercles jaune pâle traversés de phrases alignées forment l'arrière-plan. Cette disposition joue sur l'interpénétration de deux espaces, l'espace des épures géométriques et l'espace suggestif et mental des mots. Entre ces plans, un espace indéterminé renvoie l'observateur à l'extérieur et casse la notion cartésienne du Tout, allusion à la notion de vide, notion empruntée au bouddhisme zen. Depuis les années 1980, les peintures d'Arakawa deviennent monumentales, les figures géométriques cédant la place à un foisonnement de petites lignes tourbillonnantes ou droites qui rivalisent avec l'alignement des phrases : Blanks Dots (1982, Metropolitan Museum, New York, 229 × 350 cm). En 1988, Arakawa fait des propositions pour le rideau de scène de l'Opéra Bastille à Paris (Études au Cabinet d'art graphique du Musée national d'art moderne, Paris). On peut lire dans l'œuvre poétique et insaisissable d'Arakawa les signes avant-coureurs de l'Art conceptuel, ou encore un prolongement de l'art de Magritte, mettant l'accent sur le hiatus existant entre la représentation suscitée par la langue et celle qui passe par l'image.
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Écrit par
- Béatrice PARENT : conservateur à l'ARC, musée d'Art moderne de la Ville de Paris
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