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SI PAR UNE NUIT D'HIVER UN VOYAGEUR, Italo Calvino Fiche de lecture

Le « livre définitif »

Il y a manifestement longtemps qu'Italo Calvino « cherchait » à élaborer ce type de structure narrative : mais Le Château des destins croisés (1969) commentait un système déjà constitué (le tarot), tandis que Les Villes invisibles (1972), fondé sur un récit imaginaire de Marco Polo à Kublaï Khan, se limitait à explorer le concept de « ville » et ses limites. Ici, le livre cherché et trouvé ne s'étend pas dans l'arbitraire : la conclusion n'est pas davantage cyclique. Une fois la solution du « cryptogramme » donnée au lecteur, celui-ci termine le livre dans les deux sens du mot : il achève la lecture du livre de Calvino, qui se trouve s'achever lui-même par cet acte.

Ainsi, ce qui pourrait apparaître comme un pur divertissement est-il en prise sur la longue histoire du « livre définitif » rêvé, il faut bien le dire, par les poètes et les philosophes plutôt que par les romanciers (mais déjà Roussel, à cet égard, esquissait de laborieuses réponses à un vœu de Mallarmé qu'il ne connaissait sans doute pas). On ne saurait trop insister sur le sérieux de l'entreprise de Calvino, que nourrit çà et là une érudition « décalée » (les langues « hérulo-altaïques » !) ou rigoureuse : ce sérieux se dissimule en effet sous une virtuosité qui, par-delà les effets dévastateurs du fonctionnement intellectuel, engendre l'euphorie. Et il n'est pas question en revanche de repousser cette euphorie, nuancée d'un humour qui reste fidèle à la tradition italienne de la fantaisie, et d'où toute acrimonie, sinon toute noirceur, est exclue.

— Gérard LEGRAND

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