SIBÉRIE
L'espace sibérien
Le pays de l'hiver
Dès l'Oural, la moyenne interannuelle du mois de janvier s'établit à — 16 0C, et tout le tiers nord-ouest de la Sibérie connaît même des moyennes de — 32 0C. La durée de la période sans gel est partout inférieure à quatre mois, à l'exception des vallées de l'Amour et de l'Oussouri. Conséquence de ce froid intense et des températures encore plus basses de l'époque des glaciations, la merzlota s'étend sur toute la Sibérie à l'est de l'Ienisseï.
Le régime des fleuves en est affecté. Ils sont pris par les glaces six mois par an, huit mois dans le Grand Nord. Or les trois plus importants, l'Ob, l'Ienisseï et la Lena s'écoulent vers le nord. Leur accès à la mer dégèle donc en dernier, entravant le drainage des eaux de fonte du manteau neigeux et provoquant de gigantesques inondations de printemps.
Trois ensembles de relief se distinguent. La plaine de Sibérie occidentale, très basse, entièrement marécageuse, est occupée par l'Ob et ses affluents. Immédiatement à l'est s'étendent les plateaux de Sibérie centrale, bien drainés par les puissants affluents de l'Ienisseï, qui s'y écoulent en gorges. Au sud, formant frontière avec la Mongolie, et sur tout l'espace s'étendant du lac Baïkal et de la Lena à l'océan Pacifique, se succèdent des chaînes de montagnes dont les points culminants dépassent les 2 000 mètres (et même 4 500 m dans les monts Saïan).
Forêt et toundra occupent la plus grande partie de la Sibérie. La taïga, forêt de conifères (pin, sapin, épicéa), occupe à elle seule 8,4 millions de kilomètres carrés. Mais, à l'est de l'Ienisseï, dans la zone de froid extrême, elle se fait plus clairsemée, et le mélèze, qui perd ses aiguilles en hiver, devient l'espèce dominante. Le manteau forestier de la Sibérie est complété par la forêt dite « chinoise », mêlant conifères et feuillus, qui occupe les bassins de l'Amour et de l'Oussouri.
Cet écrin vert est frangé au sud par un liseré de steppe boisée, qui se transforme en steppe sèche aux confins de la Mongolie, en Transbaïkalie. Cet étroit corridor, qui offre des conditions de vie moins extrêmes, est essentiel dans la vie économique de la Sibérie.
Au nord de la taïga, et en îlots au milieu d'elle, sur les reliefs élevés, s'étend la toundra, domaine où la végétation se limite au mieux à une maigre strate herbacée, le plus souvent à des mousses et lichens, rarement à quelques arbres nains, accablés par l'hiver et le vent.
L'homme en Sibérie
Face à la démesure de l'espace et des éléments, l'occupation humaine est longtemps restée faible.
Rapidement conquise par les Cosaques au cours du xviie siècle, la Sibérie ne comptait que 1,2 million d'habitants en 1775, dont un quart seulement d'indigènes. La population russe restait concentrée sur le liseré méridional de steppe boisée, le long de la piste (le « trakt »). Les immenses forêts, vides, ne fournissaient que des fourrures.
Au xixe siècle, elle devint terre de relégation – 860 000 personnes y furent exilées pour des durées variables (cette fonction de relégation se retrouvera sous le régime soviétique) –, mais ce fut le chemin de fer qui marqua le début du peuplement. Le Transsibérien atteignit l'Ob en 1896. Il permit au Premier ministre Stolypine d'engager la première vague de peuplement, en installant 2,3 millions de migrants en 1906 et 1907, soit une fois et demie le nombre de migrants arrivés dans les cinquante années précédentes.
Avec le régime soviétique, l'effort fut orienté sur l'industrie. Il fit notamment surgir de terre le « pays noir » du Kouzbass dès les années 1930. Au début de la décennie suivante, les villes du Transsibérien, hors de portée de l'aviation[...]
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Écrit par
- Vadime ELISSEEFF : conservateur en chef du musée Guimet, directeur d'études à l'École pratique des hautes études en sciences sociales
- Pascal MARCHAND : professeur à l'université de Lyon-II, chercheur au Centre Magellan, Université de Lyon-III
- Guy MENNESSIER : professeur titulaire de la faculté des sciences de l'université de Picardie
Classification
Médias
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