SICILE
Le royaume
L'unification normande
C'est probablement en 999, à Salerne, que des chevaliers normands apparaissent en Italie méridionale. Mais il faut attendre 1016 pour que d'autres Normands, recrutés par le pape et les princes lombards, participent aux luttes de Melo contre les Byzantins. Ce sont de jeunes chevaliers, fuyant la justice ducale, attirés par l'amour de la guerre et l'appât du gain ; l'afflux, faible numériquement, continue jusqu'à la fin du xie siècle. Vers 1030, le duc de Naples cède à l'une de ces bandes le comté d'Aversa, origine de la principauté normande de Capoue. Vers 1040, un nouveau contingent s'installe à Melfi, à la frontière de la Pouille. Il s'organise sous l'autorité des fils de Tancrède de Hauteville, s'étend aux dépens des Grecs et, après avoir battu le pape en 1053 à Civitate, lui promet fidélité. Ainsi reconnus, les Normands conquièrent la Pouille et la Calabre. Le duc Robert Guiscard, fils de Tancrède de Hauteville, s'empare de Bari en 1071. Parallèlement, son frère Roger entreprend la conquête de la Sicile : Palerme tombe en 1072 et, vingt ans plus tard, l'île tout entière est normande. Robert Guiscard, protecteur de Grégoire VII dans sa lutte contre l'empereur, meurt en 1085 en tentant de s'emparer de l'Empire byzantin.
Les Normands ont ainsi constitué, d'une part, la principauté de Capoue, d'autre part, le duché de Pouille, dont le comté de Sicile est vassal. En fait, aux territoires continentaux, où duc et prince doivent tenir compte d'une aristocratie turbulente et parfois puissante, s'oppose la Sicile où le grand comte Roger Ier tient bien en main une féodalité peu nombreuse qu'il a lui-même instituée, et favorise l'immigration de Grecs de Calabre et de Lombards d'Italie du Nord pour faire pièce à l'élément musulman ; nommé vice-légat par Urbain II, il recrée dans l'île un réseau épiscopal. Aussi les ducs successeurs de Robert Guiscard ne maintiennent-ils une timide autorité que grâce au soutien de leurs puissants vassaux siciliens Roger Ier (mort en 1101) et Roger II ; celui-ci s'empare du titre ducal à la mort du duc Guillaume (1127) ; il reçoit de plus l'hommage du prince de Capoue et la soumission de Naples. Il obtient en 1130 de l'antipape Anaclet II le titre royal : pour la première fois, Midi et Sicile sont fondus en un ensemble unique, qui s'étend des Abruzzes à Malte, et occupe même un moment la côte africaine de Tripoli à la Kabylie. Roger II, roi féodal (1130-1154), s'entoure cependant de Grecs et, après l'assemblée d'Ariano (1140) où sont promulguées les premières assises (lois générales), fait respecter son autorité en envoyant sur le continent des agents royaux, justiciers et chambriers. Guillaume Ier (1154-1166) et son grand émir Maion de Bari (jusqu'en 1160) suscitent des révoltes en pratiquant un absolutisme bureaucratique ; Guillaume II (1166-1189) rétablit l'autorité royale et parfait la pyramide des agents royaux. Car le royaume, féodal dans son principe, échappe largement au réseau des fiefs. Le roi gouverne grâce à une cour qui rassemble ses vassaux, mais aussi des hommes politiques et des techniciens, surtout grecs au début, puis lombards, arabes, et même anglais. Jusqu'en 1160, le principal ministre est l'émir des émirs ; ensuite, le chancelier, qui dirige un service trilingue (latin, grec et arabe), est souvent le premier des archontes (conseillers). La douane (dīwān) financière, aux services complexes, entretient le cadastre ; elle est peuplée de caïds arabes, dirigés par des archontes grecs. Localement, les maîtres justiciers (vice-rois sur le continent), les justiciers, connétables et chambriers transmettent les ordres royaux aux bailes et aux stratèges, catépans, vicomtes[...]
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Écrit par
- Maurice AYMARD : agrégé de l'Université, lecteur à l'université de Naples, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, administrateur de la Maison des sciences de l'homme
- Michel GRAS : directeur scientifique adjoint au département des sciences de l'homme et de la société du C.N.R.S.
- Claude LEPELLEY : chargé d'enseignement à l'université de Lille
- Jean-Marie MARTIN : maître assistant à l'université de Paris-I
- Pierre-Yves PÉCHOUX : maître assistant à l'université de Toulouse-Le-Mirail, expert de l'Organisation des Nations unies à Chypre
Classification
Médias
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