SIDA (syndrome immuno-déficitaire acquis)
Effets sociaux de l'épidémie
Le sida a marqué la fin du xxe siècle dans les pays développés en mettant fin aux illusions de tous ceux, autorités sanitaires comprises, qui pensaient que nos sociétés étaient devenues capables de maîtriser rapidement les maladies infectieuses et qu'elles pouvaient s'épargner les ravages des grandes épidémies.
Spécificité associative
Au départ considéré comme un problème marginal tant par les élites médicales que politiques, le sida accède en quelques années au rang des fléaux sociaux, contraint les gouvernements à mettre sur pied des politiques de santé spécifiques et les grands organismes internationaux à se mobiliser. L'organisation de la lutte contre le sida, par-delà les particularités nationales ou régionales, se structure partout sur l'alliance de trois grands pôles : les institutions médicales et scientifiques, l'administration et les structures d'intervention de la santé publique et un mouvement associatif issu principalement des classes moyennes de la « société civile » regroupant de très nombreux bénévoles, dont une importante minorité d'individus atteints par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), qu'ils soient séropositifs ou malades. Si cette implication de la société civile n'est pas en soi originale dans la lutte contre une épidémie – la tuberculose avait ainsi déjà donné lieu à l'intervention de très nombreuses œuvres à caractère philanthropique –, elle se distingue du bénévolat traditionnel, fondé sur le modèle de la charité que le riche doit au pauvre malade, en mettant en avant les valeurs de solidarité qui unissent les personnes concernées par le sida, qu'elles soient ou non touchées par le virus. Ce type d'association, où les malades occupent une place importante, est apparu dans la seconde moitié du xxe siècle pour intervenir sur des maladies chroniques (diabète, hémophilie, mucoviscidose, etc.). Il est cette fois constitué contre une épidémie, et une épidémie originale en ce qu'elle frappe au début essentiellement des hommes homosexuels. Or, à la différence du profil dominant des patients « chroniques », il s'agit là de jeunes adultes appartenant à une minorité sociale à la fois stigmatisée et riche d'une expérience toute récente de lutte pour l'égalité de ses droits.
La relation épidémie mortelle-minorité homosexuelle survient en effet à un moment historique crucial. Dans plusieurs pays du « premier monde », les mobilisations homosexuelles ont permis d'obtenir la suppression d'un certain nombre de mesures législatives discriminantes (voire criminalisantes) et il est devenu possible de vivre plus ou moins ouvertement son homosexualité dans certains quartiers des grandes métropoles urbaines. Le mouvement de lutte contre le sida va donc d'emblée s'inscrire dans la continuité de ces luttes, ce qui explique les formes revendicatives particulières qu'il va prendre et qui tranchent avec les modes d'apparition publique des autres mouvements (qu'on pense ici aux quêtes pour lutter contre la tuberculose ou le cancer).
Les premiers à se mobiliser, en particulier en France avec l'association AIDES, fondée dès 1984, seront des individus sensibilisés à la défense de leurs droits et de leur mode d'existence et qui sentent que les libertés acquises récemment pourraient être menacées si certaines orientations en matière de lutte contre une épidémie sexuellement transmissible devaient être adoptées (comme la fermeture des lieux de rencontre gays, le dépistage obligatoire ou l'isolement des malades dans des établissements ad hoc). D'autant plus que le passé est lourd en matière de stigmatisation et de mesures coercitives sur les malades et les groupes que l'on soupçonne d'être des vecteurs d'épidémie. Avec l'installation du sida dans la durée et la découverte,[...]
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Écrit par
- François BRICAIRE : praticien hospitalier, chef de service en maladies infectieuses, professeur des Universités, médecin des hôpitaux
- Patrice PINELL : directeur de recherche émérite
- Yves SOUTEYRAND : docteur en économie de la santé, coordinateur de l'unité d'information stratégique au département sida de l'O.M.S.
Classification
Média
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