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SIÈCLE D'ÉTUDE DE LA TERRE

Que savait-on de la Terre voici une centaine d'années ? On avait une vision d'ensemble raisonnable de la géologie des continents, mais on ne savait presque rien sur celle des océans, rien sur la structure interne du globe, et rien sur le rôle joué par le temps : les estimations de l'âge de la Terre étaient mille fois inférieures à son âge réel. La Terre, pensait-on alors, est une planète morte en lente contraction. On sait maintenant qu'elle est très active à cause d'une forte production de chaleur interne qui entraîne une convection permanente.

Durant la première décennie du xxe siècle, de nouvelles méthodes apportèrent des solutions au problème du temps et à celui de la structure interne. La découverte de la radioactivité permit à Rutherford dès 1905 de démontrer la possibilité de la datation des minéraux. Puisque la radioactivité est une source importante d'énergie interne, le modèle d'une Terre où la source des déformations provenait de la contraction due au refroidissement, universellement adopté à la suite de la grande synthèse du tectonicien Eduard Suess, n'avait plus de raison de s'imposer. Par ailleurs, l'utilisation des ondes provenant des séismes permettait d'explorer la structure interne, grâce au travail pionnier d'Oldham. Simultanément, l'intuition géniale d'Alfred Wegener, entre 1910 et 1929, introduisait le concept de dérive des continents, sur des bases essentiellement paléogéographiques. Après des discussions passionnées, cette hypothèse, correcte pour l'essentiel, fut progressivement abandonnée car elle était trop en avance sur les connaissances, et en particulier sur celle des océans. En fait, la première moitié du xxe siècle correspond à la mise en place des principaux outils géophysiques et géochimiques.

À partir de la Seconde Guerre mondiale, l'exploration des océans fit de grands progrès qui permirent dans les années 1960 la formulation de la tectonique des plaques. Celle-ci décrit de manière quantitative l'évolution de la lithosphère, la couche rigide qui couvre la surface de la Terre. Introduite par Hess, confortée par Vine et Wilson, la tectonique des plaques fait jouer le rôle majeur au renouvellement rapide de la lithosphère océanique. On comprenait enfin comment et pourquoi les continents dérivent et quelle est l'origine des séismes et des volcans. Ce fut le début d'une révolution dans les sciences de la Terre, grâce à l'introduction par Morgan, McKenzie et Le Pichon d'une cinématique quantitative, désormais confirmée par les mesures de géodésie spatiale. Au même moment, l'exploration des planètes faisait beaucoup progresser l'étude de l'origine du système solaire et des planètes. Un peu plus tard, le rôle clé joué par les grandes catastrophes dans l'évolution de l'environnement du globe était mis en lumière. Enfin, durant les deux dernières décennies du siècle dernier, les progrès accomplis dans l'étude de l'intérieur de la Terre ont permis de dépasser la cinématique superficielle pour aborder la dynamique globale.

La géologie, qui était une science purement descriptive, a mûri : elles est devenue capable de fournir des modèles quantitatifs testables des différents processus qui font de la Terre un système extrêmement complexe, régi par des constantes de temps très variées, et pour lequel la prédiction apparaît de plus en plus comme un art aléatoire.

— Xavier LE PICHON

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Écrit par

  • : professeur au Collège de France, directeur du laboatoire de géologie de l'École normale supérieure