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LENZ SIEGFRIED (1926-2014)

L'écrivain Siegfried Lenz est né le 17 mars 1926 à Lyck, en Masurie, région de Prusse-Orientale qui allait devenir polonaise à la fin de la guerre. Dans un recueil d'essais paru en 1970, Convergences (Beziehungen), Siegfried Lenz définit le rôle de l'écrivain dans la société contemporaine. À ses yeux, l'engagement de l'écrivain est d'abord celui d'un moraliste et débouche souvent, mais non impérativement, sur un engagement politique.

Si Siegfried Lenz doit sa notoriété à ses romans, il serait injuste de passer sous silence son œuvre théâtrale et surtout sa première pièce, représentée en 1961 : Le Temps des innocents (Zeit der Schuldlosen). Cette pièce, où l'on sent l'influence de Morts sans sépulture de Sartre et des Justes de Camus, pose le problème de la résistance, mais plus encore celui de la responsabilité individuelle et collective.

La nouvelle n'a jamais été considérée dans la littérature allemande comme un genre mineur, et Siegfried Lenz occupe dans ce domaine une place de choix. Que la vie était douce à Suleyken (So zärtlichwarSuleyken, 1955) est dans la lignée des Gens de Seldwyla de Gottfried Keller. On cherchera en vain Suleyken sur une carte, mais ce sont pourtant les paysages de sa Masurie natale que Siegfried Lenz, exilé à Hambourg, évoque avec tendresse. Tout le petit peuple de Masurie défile devant nous, des gens naïfs et rusés, héros d'histoires à leurs dimensions. Ces récits, où la nostalgie est perceptible sous l'humour, où quelques mots de dialecte soulignent la couleur locale, ont la fraîcheur et la spontanéité d'une peinture naïve.

Siegfried Lenz doit sa notoriété à La Leçon d'allemand (Die Deutschstunde, 1968). Le titre même du roman, dont plus d'un million d'exemplaires furent vendus en quelques années, est à double sens. C'est pendant le cours d'allemand que le jeune Siggi Jepsen, détenu dans une maison de redressement située au bord de l'Elbe, ne parvient pas à écrire une seule ligne sur le sujet proposé par le professeur : « Les joies du devoir », et remet copie blanche. Ces quelques mots évoquaient pour lui tant de souvenirs que, mis aux arrêts, il lui faudra bien des semaines et bien des cahiers pour faire revivre ses années de jeunesse à Rugbüll, petite ville (imaginaire encore !) du Schleswig, où son père est gendarme. Le petit peuple de Rugbüll n'est pas très différent de celui de Suleyken, mais la période évoquée est celle de l'immédiat avant-guerre et de la guerre. C'est donc aussi une leçon sur l'Allemagne au temps du nazisme qui nous est proposée, non l'Allemagne des sphères dirigeantes, mais celle d'une province éloignée et des petites gens. La longue confession de Siggi fait revivre ces années difficiles, et la fin « ouverte » montre que rien n'est résolu et que les séquelles des anciens traumatismes demeurent.

Le Modèle (DasVorbild, 1973) reprend certains thèmes du roman précédent et débouche sur une conclusion réaliste mais décevante : dans notre société, il n'y a plus de « modèles » possibles dont l'exemple puisse nous servir de guide dans la vie. Là encore, la fin est « ouverte », mais sur quoi ? Le Musée d'art régional (Heimatmuseum, 1978) nous ramène en Masurie ou plutôt dans ce musée où le narrateur a réuni avec patience et amour objets et documents divers sur les arts et les traditions de son pays natal et qu'il ramène dans le Schleswig après le rattachement de la Masurie à la Pologne. Mais un jour Zymnunt Rogalla met lui-même le feu à son musée. Drame du déracinement, impossibilité de faire renaître ailleurs la terre natale, autrement que de façon factice ? Sûrement, mais c'est aussi le seul moyen de se délivrer du passé, d'empêcher qu'il n'envahisse le présent et compromette l'avenir.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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