SIENNE
Sienne a le visage du Moyen Âge, et en particulier du xiiie siècle, qui fut la période la plus glorieuse de son existence. Lorsqu'elle apparaît au loin, dominée par son dôme aux bandes blanches et noires et par l'aérienne torre del Mangia, reste des innombrables tours qui la faisaient ressembler à une mer de roseaux, elle n'est pas très différente de la ville que nous révèlent les tavolette di Biccherna. Conservés au palais Piccolomini, siège des archives de l'État, ces petits tableaux de bois peints, qui servaient de reliure aux livres de comptes de l'administration financière et douanière de la ville (la Biccherna), constituent du xiiie au xviie siècle un document plein de fraîcheur et de spontanéité : la vie quotidienne, les fêtes, les événements religieux, la chronique historique y déroulent, dans un décor de palais roses presque cubistes, les grandes et les petites heures de cette Sienne marchande, mystique et guerrière.
Plantée sur trois collines, elle a la forme d'un Y renversé. À partir de la croce del Travaglio partent les trois voies qui délimitent les quartiers ou terzi et constituent l'ossature de la cité : via di Città, banchi di Sopra et banchi di Sotto ; celles-ci se prolongent en d'autres rues jusqu'à rejoindre les plus importantes portes du dernier cercle de mur : porta San Marco, porta Romana, et cette porta Camollia qui s'ouvre si généreusement à l'arrivant. Fontaines innombrables, majestueuses comme la fonte Gaia autrefois ornée des sculptures de Jacopo della Quercia, ou comme la fonte Branda célébrée par Dante ; plus campagnarde comme la fonte Ovile. Palais aux façades austères, Sansedoni, Buonsignori, Salimbeni, Tolomei, où bien souvent le monogramme du Christ a, depuis saint Bernardin, remplacé l'étendard des factions. Sur deux promontoires opposés, les ordres mendiants (franciscains et dominicains) ont érigé leur forteresse spirituelle, chacune avec son patron tutélaire, sainte Catherine et saint Bernardin. Cathédrale composite, gigantesque projet avorté, que les reliefs de Giovanni Pisano ne sauvent pas de la surcharge. L'implantation des monuments, le dessin compliqué des ruelles sinueuses et étroites semblent un effet du hasard ; ils manifestent pourtant un urbanisme conscient : dès le début du xiiie siècle, la corporation des viari veille au problème des communications et la commune édite des ordonnances pour que les façades du Campo aient une certaine homogénéité.
Avec le Campo commence et finit l'histoire de Sienne, ancien forum sans doute, cœur de la cité, centre de la vie sociale : Saint Bernardin y prêchait, processions et cortèges s'y déployaient, lorsque les Siennois accompagnèrent la Maestà de Duccio jusqu'au dôme, qu'Aeneas Sylvius Piccolomini accéda à la papauté sous le nom de Pie II, ou quand Catherine fut canonisée en 1461. Le marché s'y tenait. Maintenant encore s'y déroule le palio, la fameuse course de chevaux qui a lieu le 2 juillet et le 15 août. Commynes disait que Sienne « se gouverne plus follement que ville d'Italie ». Pourtant, c'est sur la piazza del Campo, dans le palais public, que Lorenzetti a, en 1338, avec sa fresque sur Les Effets du bon gouvernement, lié pour toujours l'image de Sienne à un idéal de civisme et de paix.
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Écrit par
- Noëlle de LA BLANCHARDIÈRE : conservateur de la bibliothèque de l'École française de Rome
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