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FREUD SIGMUND (1856-1939)

« La Science des rêves »

En publiant sa théorie du rêve sous le titre de Die Traumdeutung (1900), Freud semblait fournir un argument supplémentaire à ceux que ses travaux sur l'hystérie n'avaient qu'en partie ou pas du tout convaincus ; car, pour des oreilles allemandes, une Traumdeutung ne saurait être autre chose qu'une clé des songes, c'est-à-dire un ouvrage populaire qui, à la différence de ce que laisse entendre le titre français de La Science des rêves (ou L'Interprétation des rêves), vise uniquement à flatter le goût du public pour les prophéties et les révélations. Un pareil titre plaçait déjà l'ouvrage au voisinage de l'oniromancie – ce que Freud du reste avait partiellement voulu, l'expérience lui ayant montré que les croyances antiques touchant la signification des rêves reposaient sur un fond de vérité –, mais le livre lui-même rompait si entièrement avec les méthodes de pensée reçues que les milieux académiques devaient fatalement le juger suspect.

Science et interprétation

D'un côté, il est vrai, Freud marquait bien sa volonté de se conformer aux usages, ne fût-ce que dans le long chapitre qu'il consacrait à la littérature spécialisée (on sait d'ailleurs, par ses lettres à W. Fliess, combien cette partie du livre lui a coûté d'efforts et d'ennui) ; et puis, quelle que fût l'étrangeté de son matériel, il le présentait avec autant d'exactitude scrupuleuse que s'il se fût agi d'observations banales, sans se départir de l'attitude rigoureuse où la science du temps voyait sa principale garantie. Mais, sur un point au moins, il lui fallait innover, car le matériel fourni par le rêve n'avait en lui-même aucun intérêt, il ne constituait qu'un ensemble incohérent d'images insignifiantes ou absurdes – le contenu manifeste – dont seule comptait la signification cachée – le contenu latent –, de sorte qu'on n'en pouvait rien tirer tant qu'on ne possédait pas pour le traduire en clair une clé appropriée. Dès l'instant qu'il s'agissait de trouver un sens à quelque chose qui n'en avait pas, le raisonnement déductif ne suffisait plus à la connaissance du matériel observé ; il fallait le compléter, voire le remplacer provisoirement par une forme de pensée purement analogique – ce qui revenait à faire un bond dans une zone mal délimitée où, l'observation des faits cédant nécessairement devant l' interprétation de l'invisible, l'irrationnel risquait toujours de supplanter la raison. Que Freud ait longtemps hésité avant d'accomplir ce bond décisif, il l'a laissé entendre assez clairement en s'abstenant pendant des années de livrer La Science des rêves au public, sans doute pour n'affronter qu'à son heure l'hostilité railleuse des critiques, mais peut-être aussi pour surmonter un dernier doute quant au bien-fondé de sa démarche scientifique. Comme il l'avait prévu, le monde savant le tourna en dérision ou, pis encore, tenta de l'ignorer, tandis que, pour la première fois, des esprits moins timorés venaient spontanément se joindre à lui. Ainsi, déconsidéré par la démarche révolutionnaire qui lui valait ses premiers disciples, il put croire qu'il n'était plus seul à lutter, pour peu de temps toutefois, ayant dû bientôt constater que parmi ceux qui l'avaient suivi, certains, et non des moindres, ne l'avaient fait qu'à la faveur d'une confusion, sans le comprendre beaucoup mieux que ses ennemis.

Le fait est qu'en plaçant l'interprétation et la pensée analogique au même niveau que les autres formes de raisonnement, Freud n'entendait nullement renier tout ce qui faisait jusque-là son credo intellectuel ; au contraire, il s'efforçait de lui donner une confirmation élargie, afin d'étendre[...]

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L'exil de Freud - crédits : Keystone/ Getty Images

L'exil de Freud

<em>Une leçon clinique à la Salpêtrière</em>, A. Brouillet - crédits : Photo 12/ Universal Images Group/ Getty Images

Une leçon clinique à la Salpêtrière, A. Brouillet

Freud et ses disciples - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Freud et ses disciples

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