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FREUD SIGMUND (1856-1939)

La démarche freudienne

À considérer l'histoire troublée du mouvement psychanalytique, on voit combien Freud avait de peine à faire comprendre autour de lui la double direction où il s'était engagé, non pas certes par irrésolution, mais pour restituer à la science telle qu'il la concevait l'énorme domaine dont l'ignorance de l'inconscient lui fermait l'accès. Fidèle à la méthode rationaliste jusque dans les dérèglements que le positivisme de stricte obédience était en droit de lui reprocher, il se sentait, contrairement à la plupart de ses élèves, tributaire des deux disciplines les plus liées aux déterminations concrètes de la vie : la biologie, de laquelle il gardait une quantité de notions – en particulier celles d'évolution, de constitution, d'instinct, de phylogenèse –, étant persuadé qu'en définitive la psychanalyse n'en était qu'une branche écartée, destinée un jour à rejoindre le tronc commun ; et l'histoire, où la réalité du « complexe d'Œdipe » l'obligeait à chercher ce qui fait partout la condition d'homme, avec ses normes et ses écarts, sa pathologie et son inépuisable pouvoir de création. Les deux disciplines ainsi rapprochées dans ses travaux montraient du reste une étroite solidarité : c'est en raison d'une particularité de la biologie humaine – la naissance prématurée du « petit homme » – que les facteurs historiques pèsent si lourd sur l'existence psychique de l'individu ; ou, plus exactement, c'est parce que sa biologie le condamne à une enfance et à une dépendance prolongées que l'homme doit subir la dure épreuve du « complexe d'Œdipe », épreuve historique qui modèle toutes les autres et qui décide, par conséquent, de la biographie individuelle aussi bien que de l'histoire tout court. Inséparables dans l'esprit de Freud, comme elles le sont en réalité pour travailler à former une vie, la biologie et l'histoire n'offrent pas seulement à la psychanalyse un immense réservoir de faits psychiques susceptibles d'interprétation, mais le seul terrain sûr où elle puisse ancrer ses théories, le seul en tout cas dont Freud, pour sa part, n'ait jamais renoncé à s'assurer.

Le réel et le fantasme

Biologie, physiologie, physique même (la physiologie physique de Brücke restait à cet égard un modèle), Freud ne juge pas qu'il puisse se passer de leur autorité ni se dispenser de leur rendre des comptes là où l'orientation de ses travaux leur donne le droit d'en réclamer. Le besoin de se justifier au regard des sciences naturelles est si fort et si constant dans son œuvre qu'il inspire les ouvrages les plus divers, depuis l'Esquisse pour une psychologie scientifique, œuvre posthume composée en 1895 à l'intention de Wilhelm Fliess, jusqu'à Au-delà du principe de plaisir qui, en 1923, vient jeter le trouble dans les esprits en rebâtissant l'édifice psychanalytique que tout le monde tenait pour achevé. En vertu de la double tendance qui pousse constamment Freud à émanciper la science – et lui-même en tant que savant – de ses observances trop étroites, sans toutefois cesser de se maintenir sous sa loi, c'est précisément dans ses ouvrages les plus spéculatifs, ou méthodologiquement les plus risqués, qu'il se croit tenu à fournir le plus de preuves. Ainsi, l'hypothèse de l'instinct de mort, qui, dans Au-delà du principe de plaisir, aboutit à un système abstrait, invérifiable non seulement par les méthodes des sciences naturelles, mais par la psychanalyse elle-même, s'appuie néanmoins sur la biologie comme sur la science mère à quoi l'auteur se sent assujetti. Il est vrai que, dans ce cas extrême, le plus déroutant pour les psychanalystes habitués à la prudence freudienne, une pareille tentative de[...]

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L'exil de Freud - crédits : Keystone/ Getty Images

L'exil de Freud

<em>Une leçon clinique à la Salpêtrière</em>, A. Brouillet - crédits : Photo 12/ Universal Images Group/ Getty Images

Une leçon clinique à la Salpêtrière, A. Brouillet

Freud et ses disciples - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Freud et ses disciples

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