UNDSET SIGRID (1882-1949)

La femme et Dieu

Désormais la voie est tracée, et claire. Parce qu'elle considère que la femme a reçu en partage la faculté de mener une vie intérieure plus intense que l'homme ; qu'étant plus capable d'abnégation elle est appelée par excellence à porter la croix ; parce qu'elle ne perd jamais le sentiment de la présence vivante de la grâce offerte en permanence à toute vie humaine, Sigrid Undset communique dans ses œuvres cette conception catholique du monde qu'elle a sûrement édifiée, avec une tranquille certitude et une force d'au-delà du prosélytisme qui ne peuvent manquer d'évoquer, par certains côtés, l'attitude de Claudel.

Sa production se répartit dès lors en plusieurs catégories. Déjà, en 1919, dans En kvindesynspunkt (Le Point de vue d'une femme), et bien que non encore convertie, elle avait professé sa foi en un Dieu. Elle exploite cette veine apologétique et polémique dans Katolsk Propaganda (1927, Propagande catholique) et dans Etapper (1928-1933, Étapes). Moins nettement orientés mais tendant tout de même au même but, ses écrits autobiographiques se succèdent régulièrement à partir de Onze Années (Elleve Aar, 1934) où elle raconte sa jeunesse. Puis ce sont Selvportretter og Landskapsbilleder (1938, Autoportraits et paysages) et Happy Times in Norway (d'abord écrit en anglais, 1942, puis rendu en norvégien Lykkelige dager [Jours heureux], 1947), qui évoque l'avant-guerre en Norvège.

Parallèlement, et dans la ligne de son Saint Halvard, elle retrace la légende de saint Olav : Hellig Olav Norges Konge (1930, Saint Olav roi de Norvège), celles des Norske Helgener (1939, Saints de Norvège), ou la vie de Catherine de Sienne (Caterina av Sienna, posthume, 1952).

La romancière n'a cependant pas abdiqué ses droits. Les Orchidées blanches (Gymnadenia, 1929), Le Buisson ardent (Den braennende Busk, 1929-1930, qui, éloquemment, suit les étapes de la conversion d'un jeune homme), Ida Elisabeth (1932), La Femme fidèle (Den trofaste Hustru, 1936) et surtout Madame Dorthéa (1946, inachevé) réinstruisent inlassablement, au nom de la vocation profonde de l'être humain, plus particulièrement de la femme, le procès d'une époque stupidement égoïste et matérialiste, coupable avant tout d'abêtissement et d'avilissement spirituel : s'il est une réforme à accomplir, compte tenu des droits imprescriptibles de la femme à une liberté qui ne serait pas anarchie, à une égalité qui ne serait pas égalitarisme et à un amour (à une fraternité) qui ne serait pas chiennerie, c'est une réforme morale (non pas moralisatrice mais morale) de la société. Alors, la femme s'épanouirait au sein du couple que cette bonne thomiste, élève des Dominicains de Norvège, ne pouvait concevoir autrement que sous l'angle de la complémentarité sans sujétions arbitraires.

La guerre infléchit une nouvelle fois la destinée de Sigrid Undset. Dès 1931, la clairvoyante Norvégienne avait vu les dangers du nazisme et les avait dénoncés. Après l'occupation allemande, elle doit s'exiler : en Suède d'abord, puis aux États-Unis en passant par l'U.R.S.S. et le Japon ; longue odyssée qu'elle a relatée dans Retour à l'avenir (d'abord écrit en anglais, Return to the Future, 1942, puis en norvégien, Tilbake til fremtiden, 1945). Depuis les États-Unis, elle anime le mouvement de la Résistance norvégienne – au sein duquel est mort l'un de ses fils – par des écrits rassemblés après sa mort dans Artikler og Taler fra krigstiden (Articles et discours du temps de guerre, publiés en 1952 par A. H. Winsnes).

C'est à Lillehammer que meurt cette grande Norvégienne qui reste aussi l'un des écrivains catholiques les plus remarquables qu'ait comptés le demi-siècle. Norvégienne, elle le fut par l'exaltation constante de la volonté que dit toute[...]