SILLAGE, physique des fluides
Chacun sait que les objets qui se déplacent à la surface d'un liquide créent un sillage de vagues formant un V. L'analyse physique de ce phénomène par lord Kelvin en 1887 avait conclu que l'angle d'ouverture de ce V est indépendant de la taille et de la vitesse du mobile, et précisément égal à 38,94. Depuis cent vingt-cinq ans, personne n'avait remis en cause ce résultat. Pourtant deux enseignants-chercheurs du laboratoire Fast (Fluides, Automatique et Systèmes thermiques) de l'université de Paris-Sud, viennent de montrer que l'angle du V décroît en fonction de la vitesse de déplacement. Marc Rabaud et Frédéric Moisy ont pour cela analysé des photographies aériennes de divers bateaux, réalisé quelques expériences à la piscine d'Orsay, proche de leur laboratoire, puis modélisé par simulation numérique le phénomène. Ils ont démontré que le sillage devient plus étroit que ne le prétend la théorie de Kelvin dès qu'un objet se déplace plus vite que les ondes les plus rapides qu'il émet, à savoir celles qui ont pour longueur d'onde la taille de l'objet. Au-delà de cette valeur, plus l'objet est rapide, plus l'angle du sillage se referme. Ces sillages étroits sont observés lorsque la coque est en partie sortie de l'eau à cause de la force de portance générée par la vitesse de l'eau sous la coque. Les chercheurs remarquent que la décroissance de l'angle du sillage est étonnamment similaire au cône de Mach des ondes sonores produites par le passage d'un avion rapide lorsqu'il franchit le mur du son ; pourtant, les régimes de propagation des ondes sonores et des ondes de gravité sont très différents par de nombreux autres aspects. Publié en mai 2013 par la revue Physical Review Letters de la Société américaine de physique, ce travail interroge les physiciens sur la compréhension de la force de traînée hydrodynamique des bateaux rapides.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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