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SILLON ALPIN

Le Sillon alpin constitue un objet géographique intéressant à double titre : d'une part, l'expression désigne aujourd'hui un agencement original de villes moyennes dynamiques et assez proches les unes des autres (principalement Grenoble, Chambéry, Aix-les-Bains, Annecy, l'agglomération genevoise) et d'espaces péri-urbains, ruraux et montagnards ; d'autre part, le Sillon alpin constitue un cas d'école pour qui veut étudier la signification et la finalité territoriale de l'identification d'un objet géographique. En effet, cette désignation doit moins à une analyse géographique des modes d'occupation du sol et des dynamiques spatiales qu'à l'identification d'enjeux stratégiques par des administrations et des collectivités territoriales soucieuses de se doter de représentations adéquates des espaces dans lesquels elles inscrivent leurs actions.

On doit l'expression « Sillon alpin » à un géographe grenoblois de la première moitié du xxe siècle, Raoul Blanchard. Ce nom, forgé dans les années 1910, participe d'une nomenclature qui différencie l'espace alpin selon des critères géologiques, morphologiques et d'économie rurale ; il lui permet d'individualiser « la grande dépression si profondément enfoncée dans la montagne » qui, de la région de Sallanches à la haute vallée du Drac, se glisse entre les principaux massifs cristallins des Alpes et les Préalpes calcaires.

À partir du milieu du xxe siècle, un nouveau mode de différenciation régionale s'impose : l'ensemble des villes qui s'égrènent entre Genève et Valence commence alors à être identifié comme une entité géographique en soi, d'abord par les géographes, comme Paul et Germaine Veyret, puis par les services de l'État chargés de coordonner la réflexion sur l'aménagement régional : en 1972, dans le sillage des Organismes régionaux d'études des aires métropolitaines (O.R.E.A.M.), chargés de réfléchir à la structuration des espaces métropolitains français, est mis sur pied un organisme d'études sur le Sillon alpin (O.R.E.S.A.) pour coordonner les études sur le développement des principales villes des départements de l'Isère, de la Savoie et de la Haute-Savoie. L'appellation Sillon alpin échappe alors à une lecture géomorphologique des Alpes pour contribuer, plus à l'ouest, à une analyse de la polarisation par les villes de l'espace régional.

Les nombreux travaux consacrés depuis 1970 à l'organisation spatiale de ce nouveau Sillon alpin formulent des diagnostics convergents. Au début du xxie siècle, on y recense près de deux millions d'habitants, de Valence à Genève. Les agglomérations qui ponctuent ce Sillon ont connu depuis les années 1960 des croissances démographiques parmi les plus élevées de France, malgré un ralentissement à la fin du xxe siècle. Depuis les années 1980, une partie de cette croissance démographique se porte sur les secteurs ruraux situés à mi-chemin de ces agglomérations, dessinant alors un véritable couloir d'urbanisation. Ces agglomérations ont également connu une forte croissance de l'emploi, grâce au dynamisme de plusieurs secteurs industriels bien implantés, notamment l'électronique et l'informatique à Grenoble et Annecy. Mais la plupart des analyses montrent que les systèmes industriels de ces villes échangent peu entre eux, en raison de leur faible complémentarité : la mobilité constatée entre ces agglomérations, facilitée par la construction d'une autoroute dans les années 1970-1980, s'avère relever essentiellement des migrations alternantes, des échanges universitaires et de l'économie de services. Il ressort de ces diagnostics que le système de villes composant le Sillon alpin doit moins son originalité aux processus observés, très similaires à ceux que l'on trouve dans d'autres régions[...]

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