BERLUSCONI SILVIO (1936-2023)
Homme politique et homme d’affaires italien, Silvio Berlusconi a été président du Conseil à trois reprises dans les années 1990 et 2000.
L’annonce de la mort de Silvio Berlusconi, le 12 juin 2023, a provoqué une certaine émotion en Italie. Le Conseil des ministres dirigé par Giorgia Meloni a aussitôt décrété l’organisation de funérailles d’État et un deuil national, ce qui n’avait jamais été fait pour les précédents présidents du Conseil. Deux jours plus tard, une foule assez imposante suivait la cérémonie religieuse célébrée dans la cathédrale de Milan, où avaient pris place de nombreuses personnalités italiennes. En revanche, peu de chefs d’État et de gouvernement importants étaient présents, hormis le Premier ministre hongrois Viktor Orbán et l’émir du Qatar. Si la mémoire duCavaliere a été saluée par un chœur presque unanime du monde politique, le jugement des Italiens était plus partagé, d’après un sondage IPSOS réalisé quelques jours plus tard et publié par le Corriere dellaSera le 25 juin : 42 % d’entre eux considéraient que son bilan politique était négatif, 39 % positif, 19 % étant sans opinion. Pour un Italien sur deux, il a profondément marqué les valeurs, les comportements et les opinions. En effet, Silvio Berlusconi a dominé la politique italienne et divisé le pays pendant deux décennies, qu’il soit au pouvoir – qu’il a exercé au total durant 3 342 jours, un record dans l’histoire de la République italienne –, ou dans l’opposition. Il suscita continûment des polémiques, entre autres en raison du conflit d’intérêts qui existait entre le chef d’entreprise milliardaire qu’il était et l’homme public enclin à adopter des lois ad personam ou encore à cause de son appartenance à la puissante loge maçonnique P2 qui, dans les années 1970, fut impliquée dans de sombres manipulations contre le régime démocratique.
Né le 29 septembre 1936 à Milan dans une famille de la moyenne bourgeoisie, Silvio Berlusconi fait des études de droit tout en exerçant divers métiers, notamment ceux de vendeur et de chanteur sur des navires de croisière. Deux activités qui lui serviront dans sa carrière et qu’il saura valoriser. À vingt-cinq ans, il se lance dans l’immobilier. Sa société démarre vraiment en 1968, lorsqu’il entreprend la construction d’un quartier résidentiel, Milano 2 à Segrate, près de Milan. Il investit ensuite dans la télévision. Profitant d’un arrêt de la Cour constitutionnelle de 1976 qui abolit le monopole de la télévision et de la radio publiques au niveau local, il transforme en 1980 sa télévision, Telemilano, en Canale 5, première chaîne privée nationale. Celui qui prend le surnom de Sua Emittenza (amalgame de eminenza et emittenza, « émetteur ») diffuse ses programmes dans toute la péninsule, contournant la loi grâce à ses soutiens politiques, notamment celui de Bettino Craxi, le secrétaire du Parti socialiste, alors très puissant. Après avoir fondé en 1978 la holding Fininvest appelée à chapeauter toutes ses activités, il s’empare entre 1982 et 1984 de deux autres chaînes, crée la régie publicitaire Publitalia, acquiert en 1986 le grand club de football du Milan AC et achète quatre ans plus tard le groupe de presse et d’édition Mondadori. En 1990, la loi du ministre Oscar Mammi entérine l’existence d’un duopole télévisuel public-privé, RAI-Fininvest : Berlusconi a gagné. Celui-ci promeut une télévision commerciale, fustigée par les intellectuels et le monde du cinéma, qui fidélise un large public, séduit par les émissions de variétés présentées par des animateurs populaires, souvent venus de la RAI, entourés de jeunes femmes dénudées, surnommées les veline ; les séries américaines et les premières expériences de téléréalité tiennent en haleine les Italiens. Ses télévisions répandent un climat d’insouciance,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc LAZAR : professeur émérite d'histoire et de sociologie politique à Sciences Po, Paris
Classification
Média
Autres références
-
LE CAÏMAN (N. Moretti)
- Écrit par Jean A. GILI
- 1 073 mots
Après La Chambre du fils, palme d'or au festival de Cannes en 2001, Nanni Moretti s'accorde un moment de réflexion. S'investissant dans l'activité politique – dans le film d'Ettore Scola, Gente di Roma (2004), on le voit prendre la parole lors du grand rassemblement populaire...
-
CIAMPI CARLO AZEGLIO (1920-2016)
- Écrit par Alessandro GIACONE
- 927 mots
À travers les diverses fonctions qu’il a occupées, Carlo Azeglio Ciampi a profondément marqué la vie de l’Italie contemporaine. Né à Livourne (Toscane) le 9 décembre 1920, il fait des études de lettres à l’École normale de Pise. Mobilisé en 1941, il rejoint l’armée italienne en ...
-
ITALIE - La vie politique depuis 1945
- Écrit par Geneviève BIBES , Encyclopædia Universalis et Marc LAZAR
- 31 410 mots
- 12 médias
...mouvement, affronte Francesco Rutelli, membre des Verts et soutenu par le PDS. Naples et Rome passeront à gauche. À cette occasion, de manière spectaculaire, Silvio Berlusconi, un chef d'entreprise, première fortune d'Italie, est intervenu pour apporter son soutien à Fini contre la gauche et laisser entendre... -
MONTI MARIO (1943- )
- Écrit par Marc LAZAR
- 1 131 mots
- 1 média
L'année 2011 marque un tournant dans son parcours. En effet, le 12 novembre, le président du Conseil Silvio Berlusconi est contraint de remettre sa démission au président de la République, faute de disposer d'une majorité au Parlement. Il est victime de la grave crise économique et financière dans... - Afficher les 7 références