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BOLÍVAR SIMÓN (1783-1830)

Le président

Instruit par l'expérience, Bolívar décide de se constituer, sur l'Orénoque, une base inexpugnable. C'est là qu'il donne la mesure de son génie politique et militaire. Il impose aux patriotes divisés son autorité dictatoriale, réduit par la force les généraux rebelles et fait de la ville d'Angostura le siège de son gouvernement, qui communique aisément avec le monde extérieur par la vallée de l'Orénoque.

À la fin de juin 1817, il reprend la guerre contre les royalistes et réussit, grâce à l'appui du chef guérillero Páez, à rallier à sa cause la cavalerie irrégulière des llaneros. Il entreprend alors une double action.

Soucieux de donner à son pouvoir un caractère constitutionnel, il réunit en congrès à Angostura les députés des provinces vénézuéliennes (15 févr. 1819) : occasion pour lui de réaffirmer les principes de son action politique, de se faire élire président et de renforcer sa position vis-à-vis de l'étranger.

Sur le plan militaire, il conçoit et exécute un plan audacieux : la traversée de la plaine vénézuélienne, pour déboucher sur les hauts plateaux de Nouvelle-Grenade ; il y bat les Espagnols à Boyacá (7 juill. 1819) et prend Bogotá. À Angostura, il fait proclamer la république de Grande-Colombie.

La révolution libérale en Espagne entraîne la conclusion d'un armistice de six mois ; à la reprise des hostilités, Bolívar remporte la victoire décisive de Carabobo (24 juin 1821), qui assure l'indépendance du Venezuela.

Cependant, tandis que le premier Congrès colombien, réuni au Rosario du Cucuta, le réélit à la présidence de la Grande-Colombie, Bolívar soumet les populations loyalistes du Sud et conquiert, secondé par Sucre, la province de Quito, qui s'incorpore à la République grand-colombienne (1822).

À l'entrevue de Guayaquil (juill. 1822), San Martín s'efface devant le Libertador, et lui laisse la gloire de parachever l'indépendance du Pérou, que scellent les victoires de Bolívar à Junín (7 août 1824) et de Sucre à Ayacucho (9 déc. 1824). Bolivar a réalisé les rêves de sa jeunesse.

Il sera moins heureux dans ses efforts pour organiser politiquement l'Amérique libérée. En 1825, Bolívar est président des trois républiques de Grande-Colombie, du Pérou et de Bolivie (nom adopté en son honneur par le Haut-Pérou). Mais l'autorité que lui vaut son prestige personnel, de l'Orénoque au Potosí, ne suffit pas à surmonter la dispersion géographique et l'hétérogénéité sociale des pays libérés. Il ne peut imposer sa conception politique d'une république césarienne (Constitution bolivienne de 1826), ni confédérer durablement les trois États qu'il préside. Son grand projet d'une alliance continentale des nations latino-américaines échoue dès le congrès de Panamá (1826). En 1827-1828, Bolívar doit renoncer à toute autorité sur le Pérou et la Bolivie. En même temps, son pouvoir est vivement contesté en Grande-Colombie : à la dictature conservatrice qu'il exerce, ses adversaires répondent par une tentative d'assassinat (1828). Il ne réussit même pas à empêcher la désintégration de la Grande-Colombie en trois républiques souveraines (Venezuela, Équateur, Colombie : 1829-1830).

Malade et prématurément vieilli, découragé et devenu profondément pessimiste sur le destin de l'Amérique, Bolívar résigne définitivement tout pouvoir en janvier 1830. C'est sur le chemin de l'exil volontaire qu'il meurt à Santa Marta, dans la demeure d'un ami espagnol, le 17 décembre 1830.

— Jean-Pierre BERTHE

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Écrit par

  • : maître assistant à l'École pratique des hautes études, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales

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Simon Bolivar - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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