MARMION SIMON (1425 env.-1489)
Peintre et enlumineur, né sans doute à Amiens. Marmion est signalé à Amiens de 1449 à 1454 et à Valenciennes de 1458 à sa mort ; en 1468, sans doute en vue d'un travail occasionnel, il se fait inscrire à la guilde de Saint-Luc à Tournai. Artiste du nord de la France, Marmion n'appartient pas clairement à une école française définie et, bien qu'ayant œuvré dans une région alors dépendante de l'État bourguignon, il n'appartient pas entièrement à l'école flamande non plus. Sur le plan de la critique, il souffre de cette situation périphérique, son importance restant secondaire dans l'étude de l'une ou de l'autre école. De plus, peintre et enlumineur, il se voit divisé aussi, dans son art même, par les spécialistes. C'est comme « prince d'enluminure » qu'il semble avoir été le plus célèbre (Jean Lemaire de Belges, dans son poème La Couronne margaritique, 1506). Aucune œuvre n'est signée ou documentée, pas même l'œuvre clé, Le Retable de saint Bertin (1455-1459 ; Staatliche Museen, Berlin, et National Gallery, Londres), exécutée pour un des conseillers de Philippe le Bon, Guillaume Fillastre, évêque de Toul, puis de Tournai. Il s'agit des volets d'un retable — dont la partie centrale en orfèvrerie est aujourd'hui perdue — destiné au maître-autel de l'abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer, dont Fillastre était abbé commendataire. Ces volets, dus à un « ouvrier de Valenciennes » en qui l'on croit raisonnable de reconnaître Simon Marmion, représentent la légende du saint patron de l'abbaye, clairement et élégamment narrée dans des scènes successives encadrées d'architecture d'un blanc chaud et lumineux où se détachent les frocs noirs des moines tranquillement affairés. Une Crucifixion (1470 env., coll. John G. Johnson, Philadelphie), qui aurait la même provenance, présente des caractères semblables. L'écriteau infamant de la croix porte une inscription trilingue correcte, rareté pour l'époque, qui semble justifier l'appréciation de Guichardin sur Marmion : « excellent peintre et homme lettré » (1567). Retenons encore l'Invention de la croix (musée du Louvre, Paris), La Déploration (coll. Robert Lehman, New York), et Le Christ et La Vierge de douleur (musée des Beaux-Arts, Strasbourg ; autre version au Musée communal, Bruges). De nombreuses enluminures sont groupées sous le nom de Marmion. Les Grandes Chroniques de France (entre 1451 et 1460 ; Bibliothèque nationale de Russie, Saint-Pétersbourg) furent offertes par Fillastre au duc Philippe. Un pontifical — rituel à l'usage des évêques — de Sens (Bibliothèque royale, Bruxelles) contient une Crucifixion qui rappelle le tableau de Philadelphie. Comme enlumineur, Marmion est l'héritier de l'anonyme d'Amiens qui lui aurait appris son métier, le Maître de Mansel. Comme peintre de chevalet, il se rapproche davantage des Flamands de son époque. Dans les deux formes d'art, son style est fait d'équilibre et de finesse, d'un coloris lumineux et d'une réserve apparentée à celle de son contemporain nordique, Dieric Bouts. Avec moins de tension, le même silence apparaît chez Marmion, prolongé à l'infini dans les lointains de très beaux paysages (voir F. Avril et N. Reynaud, Les Manuscrits à peintures en France, 1440-1520, Paris, 1993). Comme ses contemporains, Marmion ne refusa pas les travaux de décoration et sa collaboration au fameux banquet du Faisan à Lille, en 1454, est attestée dans les comptes de cette festivité.
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Écrit par
- Nicole VERONEE-VERHAEGEN : collaborateur scientifique au Centre national de recherche Primitifs flamands, Bruxelles
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