Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

VESTDIJK SIMON (1898-1971)

Une œuvre protéiforme

Plutôt que de suivre l'ordre chronologique de la parution ou de la genèse des écrits de Vestdijk, on examinera les principaux d'entre eux selon les genres auxquels ils appartiennent – tout en n'oubliant pas que ce Protée passait sans cesse et avec aisance de l'un à l'autre, et pouvait se mouvoir presque simultanément dans des univers thématiques différents, voire opposés.

La poésie de Vestdijk est d'un abord assez rébarbatif. De 1932 à 1950, une vingtaine de recueils se sont succédé, dont la plupart affichent une prédilection pour la forme cyclique et la prosodie traditionnelle. Le langage parlé des premiers poèmes fait vite place à une majesté et à une envolée baroques, où la phrase, longue, discursive, se joue avec virtuosité des rimes, des strophes et des autres difficultés techniques, mais dédaigne – chose étonnante chez cet aspirant musicien – tout effet musical. De son propre aveu, Vestdijk cherche à réaliser une synthèse de l'épopée et de la poésie lyrique. Ses cycles évoquent volontiers les étapes d'une évolution spirituelle qui a pu être la sienne ou celle d'un héros légendaire ou mythique, mais qui presque toujours se situe sur un plan exemplaire, universel. Certains poèmes, plus descriptifs, font penser aux Dinggedichte de Rilke, dont ils n'atteignent pas la perfection formelle. On citera encore un opéra en vers, mis en musique par Willem Pijper en 1946 : Merlijn (Merlin, paru en 1957).

Ses nouvelles, De Oubliette (1933, L'Oubliette), De Bruine Vriend (1935, L'Ami brun), ainsi que la plupart des textes réunis dans De Dood betrapt (1935, La Mort prise sur le fait), De Fantasia en andere verhalen (1949, La Fantasia et autres récits), etc., sont de purs chefs-d'œuvre par leur écriture serrée, la tension du récit où l'on est plongé d'emblée, l'extraordinaire relief des personnages et surtout la densité de l'atmosphère. L'apparente sécheresse et le réalisme du style n'empêchent pas, bien au contraire, qu'il se dégage de ces œuvres un halo poétique et une profonde nostalgie.

Vestdijk se sentait avant tout romancier. Il écrivait ses romans au rythme de deux ou trois l'an. Il puise son inspiration dans ses souvenirs et dans cette autre mémoire qu'est l'histoire. L'Enfant parmi quatre femmes, édité en 1972, contient la matière de plusieurs romans autobiographiques. On la retrouve notamment dans les premiers volumes du cycle d'Anton Wachter (1934-1960). De ces huit livres qui retracent pas à pas l'évolution du personnage central, depuis l'arrachement du sevrage jusqu'aux délices et déceptions de la vie de carabin, le premier paru est le plus harmonieux et le plus émouvant : Terug tot Ina Damman (1934, Revenir à Ina Damman) constitue à la fois une recherche du temps perdu et une profession de foi platonique. Nul romantisme facile dans cette œuvre. Le style en est réaliste, dépouillé et incisif. C'est l'équilibre – ou la tension – entre cette froideur apparente et la profondeur de l'expérience humaine qui caractérise les réussites de Vestdijk romancier.

D'emblée, il affirme sa maîtrise technique dans différentes directions à la fois : de 1934 à 1937, il publie, outre Revenir à Ina Damman et de nombreuses nouvelles, un roman réaliste traitant de la haine des familles, Else Böhler, Duits dienstmeisje (1935, Else Böhler, servante allemande) ; un roman à caractère visionnaire, le seul où il se livre à des expériences formelles d'avant-garde, inspirées de Joyce, Meneer Vissers hellevaart (1936, La Descente aux enfers de Monsieur Visser) ; un volumineux roman épistolaire écrit en collaboration avec Marsman, Heden ik, morgen gij (1936, Moi aujourd'hui, toi demain), et son premier grand roman historique, consacré au Greco, Het Vijfde Zegel (1937,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'Académie royale de langue et de littérature néerlandaises, professeur aux universités de Bruxelles

Classification

Autres références

  • NÉERLANDAISE ET FLAMANDE LITTÉRATURES

    • Écrit par
    • 6 824 mots
    • 3 médias
    Parmi ces postsymbolistes, on peut encore ranger Simon Vestdijk (1898-1971), qui ne se bornera pas à la seule poésie, mais s'avère rapidement virtuose dans le roman psychologique, comme le montrent les 8 tomes de son autobiographie romancée Anton Wachter (1939-1960). Écrivain à multiples facettes...