VOUET SIMON (1590-1649)
Un art émouvant
Le fait est qu'en dehors des sujets religieux inévitables à l'époque il y a peu d'exemples chez Vouet de cette “peinture d'histoire” dont Poussin, rival vite oublié, fit alors le territoire de la gravité. L'allégorie, divertissement d'homme cultivé, lui seyait en revanche parfaitement.
Et pourtant, peut-on taxer Vouet de légèreté, de superficialité ? La tendresse avec laquelle, de tableau en tableau, il répète le visage de sa femme bien-aimée, Virginia Di Vezzo, qui meurt en couches en 1638, suffirait à prouver le contraire. D'autres aspects peuvent être invoqués : la Tentation de saint Antoine du musée de Grenoble, œuvre majeure par la force du coloris et l'originalité du schéma iconographique, semble le fruit d'une méditation très profonde sur l'idée de la lumière et des ténèbres spirituelles. De même, le Christ en croix destiné à la chapelle Séguier (musée des Beaux-Arts de Lyon) est un chef-d'œuvre parce que l'atmosphère de poignante affliction qui en émane ne tient probablement qu'à la subtilité infinie et à la tendresse du coloris. C'est dans ces moments-là que se mesure la grandeur d'un talent qui parvient à susciter l'émotion.
Cela se vérifie d'ailleurs dans d'autres registres, plus intimes, de l'œuvre. Dessinateur virtuose, Vouet est l'auteur d'une admirable série de portraits au pastel pour la plupart conservés en mains privées : immortalisant des personnages, pour certains inconnus, de la cour de Louis XIII, ces pastels sont des chefs-d'œuvre de psychologie, que l'on n'attend guère d'un homme qui “méprise tous les autres”. En peinture également, en dehors des chantiers, la gloire de l'artiste fut assurée par d'exquises Sainte Famille et Vierge à l'Enfant, tableaux de dévotion privée, de petit ou de moyen format, comme la Vierge à la rose (musée des Beaux-Arts de Marseille), la Vierge à l'Enfant à la colonne (musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg) ou la Vierge à l'Enfant à l'ange (musée des Beaux-Arts, Caen). Ces œuvres, certes, sont peu de chose comparées aux “grandes machines” des églises, mais elles nous parlent beaucoup plus. À peine ennoblie, toute l'émotion de la maternité y est dans son épanouissement heureux, si différent du recueillement inquiet que lui prête, par exemple, au même moment Georges de La Tour. Peut-on atteindre pareille justesse de sentiment et pareille fraîcheur d'expression sans être soi-même sincèrement touché par le spectacle de l'amour maternel et sans refléter l'émotion du siècle, un siècle dont on dit pourtant qu'il n'aimait guère les petits enfants ?
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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