BEAUVOIR SIMONE DE (1908-1986)
Simone de Beauvoir fut, sans doute, l'une des femmes les plus influentes de son siècle. Son œuvre, considérable, se déploie dans trois directions principales : une série de romans dont les meilleurs se situent au début de son parcours ; un vaste ensemble autobiographique commencé en 1958 et achevé, en même temps que son œuvre même, en 1981 ; et plusieurs essais, enfin, d'où émerge Le Deuxième Sexe. Depuis le succès de son premier roman, L'Invitée (1943), elle n'a cessé, sa vie durant, d'occuper une place dans l'actualité et de susciter des controverses. Attaquée avec virulence, elle recueillit aussi l'admiration inconditionnelle d'autres lecteurs. Mais ses partisans furent à leur tour désorientés par l'épilogue amer de La Force des choses (1963), comme par le ton nouveau qu'elle adopta dans ses dernières fictions. L'impact de ses différentes œuvres s'est modifié : au cours de sa vie, l'autobiographe a fini par éclipser la romancière ; quant au rayonnement du Deuxième Sexe, il n'a cessé de s'amplifier. Par ailleurs, alors que la critique française semble la bouder depuis les années 1980, les études anglo-américaines qui lui sont consacrées se développent, substituant à la perspective philosophique ou politique qui prévalait en France antérieurement une approche surtout féministe de sa vie comme de son œuvre.
Simone de Beauvoir et Sartre
La destinée posthume de Simone de Beauvoir a dissocié son œuvre de celle de Jean-Paul Sartre. Il est cependant impossible de parler d'elle sans évoquer son rapport avec Sartre qu'elle s'est employée elle-même à ériger en mythe. Simone de Beauvoir raconte dans La Force de l'âge l'invention par Sartre de cette relation de couple originale fondée sur la “nécessité” (entre eux deux), la liberté et la transparence. Ainsi commencent non seulement une vie commune (sans cohabitation), mais aussi et surtout une collaboration et un dialogueintellectuel permanents engagés dès 1929 et poursuivis pendant un demi-siècle. Les œuvres des deux écrivains se complètent et ne cessent de s'interpeller. Leurs itinéraires demeurent étroitement liés. Simone de Beauvoir découvre l'engagement politique avec la Résistance des intellectuels et participe, en 1945, à la fondation de la revue Les Temps modernesqui se donne un programme de littérature engagée. Son évolution politique est inséparable ensuite de celle de Sartre : socialiste ou progressiste jusqu'en 1952, compagne de route des communistes jusqu'en 1956, engagée avec passion pour l'indépendance de l'Algérie et vivement hostile au gaullisme, proche des mouvements gauchistes après 1968, elle cautionnera de manière plus spécifique les mouvements féministes à partir de 1970. Chez les deux écrivains, le souci exclusif de la littérature a cédé le pas à une conception militante de l'intellectuel. Cette relation exemplaire devint un modèle de vie privée pour toute une génération. Avec le recul, l'évaluation des lecteurs s'est quelque peu modifiée. Les féministes soupçonnent Simone de Beauvoir d'avoir sous-estimé sa véritable valeur philosophique et comprennent mal ce qu'elles considèrent comme une trop forte dépendance affective de l’auteur du Deuxième Sexe à l'égard de l'homme aimé. Surtout, la publication posthume du Journal de guerre (1990) et des Lettres à Sartre (1990) a jeté un nouvel éclairage sur le fonctionnement du couple durant les années couvertes par ces deux écritures privées.
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Écrit par
- Éliane LECARME-TABONE : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, agrégée de lettres classiques, maître de conférences honoraire de littérature française à l'université de Lille-III
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