VEIL SIMONE (1927-2017)
Simone Veil a sans nul doute été la femme politique française la plus célèbre et la plus populaire à partir du milieu des années 1970. Cette renommée est due à son combat pour la loi qui porte son nom, relative à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) votée en 1975, et à un parcours de vie exceptionnel marqué par la tragédie, intimement inscrit dans l'histoire politique de l'Europe du xxe siècle. Rescapée de la Shoah, elle a une trajectoire de « pionnière », en occupant des postes jusque-là inaccessibles aux femmes au sein de l'administration comme en politique. Elle incarne la figure d'une féministe engagée modérée, d'un témoin respecté de la mémoire de la « solution finale » et d'une professionnelle de la politique à la carrière atypique, menée en dehors des filières et des partis politiques traditionnels.
Une jeunesse heureuse brisée par le nazisme
Née le 13 juillet 1927 à Nice dans une famille juive assimilée et laïque, elle est la dernière de quatre enfants. Son père, André Jacob, exerce la profession d'architecte. Au sein de ce milieu de la petite-bourgeoisie cultivée, elle bénéficie d'une enfance protégée, prolongeant la complicité de la fratrie au sein des activités des mouvements d'éclaireuses. Ses parents sont peu politisés et ne partagent qui plus est pas les mêmes opinions : son père achète un quotidien de droite, tandis que sa mère privilégie la lecture de magazines de gauche ou de centre gauche. Si on devait rechercher dans cette socialisation familiale les prémices de la vocation politique future de Simone Veil, il faudrait davantage insister sur l'importance du modèle maternel. Très belle femme, cultivée et généreuse, elle transmet à ses enfants, et notamment à ses filles, son altruisme et le désir, pour elle empêché, de conquérir son indépendance en faisant des études et en exerçant une activité professionnelle autonome.
L'offensive allemande en 1940, la rapide défaite de l'armée française et l'armistice viennent mettre fin à cette enfance niçoise. Le premier statut des Juifs est promulgué et André Jacob se voit retirer le droit d'exercer son métier. La zone sud constitue alors pourtant un refuge relatif pour les Juifs qui y affluent. L'arrivée des troupes allemandes et de la Gestapo en septembre 1943 change radicalement la situation. Les enfants Jacob, hébergés chez différents amis, doivent quitter le lycée, ce qui n'empêche pas Simone de passer son baccalauréat en mars 1944 sous son vrai nom. Elle est arrêtée le lendemain, suivie par les autres membres de sa famille, hormis sa sœur Denise, engagée dans la Résistance, qui sera arrêtée plus tard et déportée à Ravensbrück avec d'autres « politiques », d'où elle reviendra. Du camp de Drancy, les trois femmes Jacob sont déportées à Auschwitz, tandis que le frère et le père sont conduits en Lituanie où ils sont vraisemblablement rapidement assassinés. Simone Veil ne doit sa survie qu'à la faveur de son arrivée « tardive » (le 15 avril 1944) et en bonne santé dans le camp d'extermination, elle échappe ainsi à la première sélection, immédiate, pour les chambres à gaz. Puis, en juillet 1944, grâce à l'intervention d'une chef de camp sensible à sa beauté, elle est affectée à un commando de travail en dehors du camp, à Bobrek. Sa mère et sa sœur l'accompagnent jusqu'à l'évacuation du camp, en janvier 1945. L'exode forcé des déportés à travers la Pologne et l'Allemagne pour gagner le camp de Bergen-Belsen est cependant fatal à sa mère, qui meurt en mars 1945.
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Écrit par
- Catherine ACHIN : maître de conférences en science politique à l'université de Paris-VIII
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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