SIMULATION ET DÉVELOPPEMENT (psychologie)
Les techniques de simulation visent à reproduire par une suite de calculs les processus psychologiques et leurs manifestations expérimentales ou cliniques. On pourrait donc penser que plus la reproduction artificielle des observables est exacte, plus la simulation est réussie. Mais ce n’est pas tout à fait le cas car il faut aussi que la simulation repose sur des principes plausibles du point de vue des connaissances acquises en psychologie et dans les disciplines connexes, les neurosciences en particulier. Autrement dit, pas de simulation instructive sans modélisation. C’est en modélisant le fonctionnement psychologique et les mécanismes de son développement que l’on se donne les ingrédients de base pour des simulations utiles et instructives. Deux approches complémentaires ont particulièrement été développées : l’approche connexionniste et celle des systèmes dynamiques.
Connexionnisme et réseaux de neurones
L’approche connexionniste s’appuie sur un modèle du fonctionnement neuronal pour agencer une architecture cognitive dont la dynamique représentée par une suite de calculs doit parvenir à simuler le fonctionnement et le développement psychologiques.
Un réseau connexionniste se caractérise d’abord par son architecture, c’est-à-dire par le nombre d’unités qu’il comporte et par leur agencement. Chaque unité fonctionne comme on suppose que les neurones fonctionnent : sommation des impulsions reçues, calcul interne à partir des impulsions, puis, si le résultat de ce calcul dépasse un certain seuil, une impulsion est envoyée vers les unités qui suivent dans le réseau. Entre les unités existent des liens d’activation/inhibition, ou « connexions », qui correspondent à la circulation de l’influx nerveux et déterminent son parcours dans le réseau. Au départ, le poids de chaque connexion est aléatoire, si bien que le réseau répond un peu n’importe quoi. On appelle « balayage » (sweepen anglais) la présentation d’une configuration des unités d’entrée (celles qui représentent les stimulations reçues), laquelle induit un parcours d’activation ou d’inhibition dans le réseau jusqu’aux unités de sortie (celles qui représentent les réponses du réseau). Après chaque balayage, l’erreur du réseau est calculée, en général par l’écart entre la réponse du réseau (les activations que la ou les unités de sortie ont reçues pour telle configuration de départ) et la réponse attendue. À la suite de quoi, le poids des connexions est légèrement modifié dans la direction de la réponse attendue et un nouveau balayage est lancé. Ainsi, après un grand nombre de balayages (1 000, par exemple), le poids des connexions peut atteindre des valeurs telles que la relation entre entrées et sorties est en conformité avec ce qu’il fallait apprendre.
Les simulations connexionnistes sont utiles dans de nombreux domaines. Elles permettent en particulier de repenser les débats sur l’innéité. Les bébés naissent-ils avec des connaissances préprogrammées autorisant des traitements déjà sophistiqués, ou bien des mécanismes perceptifs relativement simples leur suffisent-ils pour construire ces connaissances ? L’exemple de la segmentation des mots d’une langue est particulièrement probant.
Tâchons de nous placer dans la position d’un bébé intéressé par la succession des sons de sa langue maternelle (et paternelle). Comment fait-il pour distinguer dans cette mélodie plaisante les unités susceptibles de se combiner grammaticalement ? Le plus simple est de se dire que l’évolution de l’espèce humaine a doté les bébés d’une grammaire rudimentaire et sans contenu qui n’aurait plus qu’à se paramétrer en fonction de la langue entendue. Mais Christiansen, Allen et Seidenberg (1998) développent une simulation connexionniste qui rend plausible une autre solution.
Supposons que les bébés soient d’abord sensibles[...]
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Écrit par
- Henri LEHALLE : professeur émérite, université de Montpellier-III-Paul-Valéry
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