SIMULATION ET DÉVELOPPEMENT (psychologie)
Systèmes dynamiques et trajectoires de développement
Les modélisations en systèmes dynamiques constituent une seconde approche. Elles sont nécessaires parce que le fonctionnement psychologique et son développement sont des phénomènes complexes. L’usage du terme « complexité » n’est pas ici métaphorique. Il signifie très précisément que les comportements et les acquisitions des enfants comme des adultes sont déterminés par l’interaction de multiples causes sous-jacentes et temporalisées (c’est-à- dire « dynamiques » au sens mathématique). De plus, le fonctionnement, comme le développement, relève de processus d’autorégulation : les éléments du système réagissent les uns par rapport aux autres, en intégrant éventuellement dans cette régulation les réponses et les incitations de l’environnement physique et social. Cela signifie que l’on n’a pas besoin de postuler l’existence d’une instance de contrôle interne dont le rôle serait de guider le système vers des états d’équilibre mieux adaptés. Si une organisation émerge, elle résulte d’une autorégulation entre les éléments du système. Cette conception en systèmes dynamiques a pour ambition de mieux correspondre à la réalité des processus psychologiques. Mais, pour conforter cette approche, encore faut-il parvenir à montrer que « ça marche », c’est-à-dire que les interactions entre les éléments repérés du système suffisent à produire des formes d’organisation analogues aux régulations comportementales attestées. C’est précisément le but des simulations.
Parmi les nombreux domaines ayant fait l’objet de simulations dynamiques, retenons celui de la mesure de l’intelligence. En psychométrie, il est bien connu que les performances cognitives des adultes sont corrélées : quand un adulte réussit une épreuve cognitive, il y a de fortes chances qu’il réussisse à d’autres épreuves cognitives. Statistiquement, ces corrélations positives correspondent à l’identification d’un facteur commun appelé « facteur g ». Toute la question est de savoir si ce facteur g, empiriquement constaté, peut être interprété comme la manifestation d’une dimension psychologique sous-jacente unique, l’intelligence générale, qui se manifesterait dans toutes les épreuves cognitives avec plus ou moins d’efficacité selon les individus.
La simulation proposée par van der Maas et ses collaborateurs (2006) oblige à considérer une autre solution. Elle repose sur l’idée que les performances cognitives résultent de la mobilisation de nombreux processus (perception, mémoire, langage, raisonnement, etc.) dont le niveau de fonctionnement à un moment donné dépend du développement qui a précédé. Ces processus en croissance ont chacun leur histoire. Et chaque croissance résulte non seulement d’une détermination propre (interne) mais aussi du soutien en provenance des autres croissances. Mathématiquement, chaque croissance est donc modélisée par une équation qui réunit la détermination interne (selon une formulation logistique) et la somme des influences externes.
En s’appuyant sur cette équation de base, il est assez facile de simuler le développement des performances cognitives de nombreux individus : pour chaque « individu », les paramètres de croissance (état initial, vitesse de croissance, limite maximale de l’apprentissage) sont tirés au sort pour représenter la variabilité interindividuelle dans la population. Plusieurs simulations ont été calculées pour représenter des scénarios possibles de développement. On observe alors que, sans postuler l’existence d’un facteur g d’intelligence générale, les performances des individus finissent par être corrélées si les croissances se soutiennent mutuellement. Dans ce cas, comme pour les jeunes enfants réels, les performances ne sont pas corrélées au départ et les performances de départ ne permettent[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Henri LEHALLE : professeur émérite, université de Montpellier-III-Paul-Valéry
Classification