SIMULTANÉISME, littérature
La « vision multiple et totale de l'Individuel, du Collectif, de l'Humain et de l'Universel » débouche sur le chant polyphonique d'une nouvelle poésie dont le programme fut élaboré par Henri-Martin Barzun : son « dramatisme » (devenu simultanéisme par la suite) se veut la synthèse de diverses tendances de l'avant-garde littéraire, telles qu'elles étaient définies par les poètes de l'Abbaye, sous le nom d'instrumentalisme, d'unanimisme ou de futurisme. Barzun appartenait aussi au groupe des poètes typographes œuvrant à la représentation de la complexité accrue du monde moderne, dans le sillage de Mallarmé et de Verhaeren. Dans L'Ère du drame, essai publié en 1912, Barzun définit son programme, auquel adhèrent bientôt les auteurs qui alimentent sa revue Poème et drame, lancée la même année. René Ghil, Fernand Divoire et Marinetti renouvellent les expériences graphiques introduites en poésie. Celles-ci font de la page une image des sensations simultanées, avant même l'apparition des Calligrammes d'Apollinaire et du « premier livre simultané » de Blaise Cendrars et de Sonia Delaunay, La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France.
Cette inspiration visuelle qui relaie l'inspiration d'origine musicale des symbolistes provient, comme le remarque Michel Decaudin, de la forte influence du cubisme, caractérisé par l'observation simultanée de différents points de vue. (Cependant, les sensations multiples sont déjà présentes dans les poèmes synesthétiques de Baudelaire.) Le cinéma va contribuer, lui aussi, à l'éclosion d'une nouvelle technique d'écriture, grâce à laquelle on espère réaliser le vieux rêve des naturalistes : peindre la société telle qu'elle est perçue à travers un objectif, sans interprétation déformante ou réductrice.
Les œuvres les plus importantes créées dans cet état d'esprit sont celles de Jules Romains et de John Dos Passos. Mais pendant que Romains, dans Les Hommes de bonne volonté (1932-1946), maintient le cadre narratif hérité du xixe siècle et innove seulement par sa façon de juxtaposer les personnages représentant des idéologies, des couches sociales ou de pays différents, Dos Passos, lui, rompt définitivement avec le passé en diversifiant les modes d'écriture correspondant chacun à une facette de son monde protéiforme.
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Écrit par
- Véronique KLAUBER : auteur
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