Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SIONISME

Si la problématique de l' exil est centrale dans la condition juive, elle l'est en étroite association avec son envers : l'attachement à la Terre d' Israël (Eretz Israël). L'exil est arrachement à la Terre promise mais aussi attente fiévreuse du retour. Déjà, l'exilé de Babylone, du vie siècle avant J.-C., psalmodiait : « Près des fleuves de Babel, c'est là que nous étions assis et que nous pensions, en nous souvenant de Sion » (Psaume 137).

La destruction du Temple de Jérusalem par Titus (70 de notre ère) et la répression des dernières velléités d'indépendance politique au iie siècle (soulèvement de Bar-Kokhba en 135) n'entament pas ce loyalisme envers la Terre d'Israël, qui est constamment entretenu par la pratique religieuse : lecture de la Bible et de ses commentaires, prière, liturgie synagogale. L'immigration ( aliya) continuait à se diriger vers Eretz Israël pour des motifs religieux : étude de la Torah dans les grands centres religieux du pays (Jérusalem, Safed, Hébron, Tibériade) – volonté d'être enterré dans une terre choisie par Dieu –, croyance en l'accélération de l'arrivée des temps messianiques... Pourtant, bien que le lien physique avec la Palestine n'ait jamais été rompu, le rapport à Sion devenait de plus en plus spirituel et de moins en moins réel au fur et à mesure que l'exil se prolongeait. Il faudra attendre le xixe siècle pour que cette relation à Eretz Israël devienne à nouveau plus concrète et davantage politique.

Mausolée de Theodor Herzl - crédits : Pickow/ Hulton Archive/ Getty Images

Mausolée de Theodor Herzl

S'il appartiendra à Theodor Herzl de fonder l'organisation qui sera l'instrument de mise en pratique du sionisme, ses idées furent anticipées par d'autres penseurs dont les essais, arrivant peut-être trop tôt, n'eurent que peu d'échos. Ce sont les hommes qu'on a pris coutume d'appeler les « précurseurs du sionisme » (Mevaserei Tzion).

De Sion au sionisme politique

Les précurseurs du sionisme

Deux périodes coupées par la ligne de fracture des années 1880 séparent le protosionisme du présionisme.

Dans les années 1850-1860, une dizaine de personnes (essentiellement des rabbins) vont commencer à se faire les avocats du retour à Sion par l'action personnelle et volontaire des juifs. Ces initiateurs du mouvement national juif, représentés de façon éminente par les rabbins Yehouda Alkalaï (1795-1874 ; séfarade de Serbie) et Zvi Kalisher (1812-1875 ; ashkénaze de Prusse orientale) et, de façon plus atypique, par le philosophe allemand Moses Hess, ont tous une perception plutôt positive de l'évolution du judaïsme de leur temps. Contrairement à leurs successeurs qui auront, dans les années 1880, avec la montée de l'antisémitisme, une vision négative de l'avenir juif en Europe, ils sont persuadés que l' émancipation a inauguré une ère bénéfique pour les juifs européens. Leur souhait serait que l'octroi de la liberté individuelle, par l'obtention des droits de citoyenneté (en Occident), soit complété par la définition de droits collectifs, pour la nation juive, sur le territoire de la Palestine.

Les rabbins Alkalaï et Kalisher, dans leurs deux textes, L'Offrande de Juda (Minḥat Yéhouda, 1845) et La Quête de Sion (Derishat Tzion, 1862), développent une idée tout à fait audacieuse. L'effacement politique de la nation juive en Palestine avait favorisé en exil l'adoption d'une attitude d'attente : la délivrance des juifs ne devait intervenir qu'avec l'intervention miraculeuse du Messie qui rassemblerait les dispersés en Eretz Israël. Sans nier l'intervention surnaturelle de Dieu, Alkalaï et Kalisher considèrent qu'elle suivra une phase initiale où l'homme aura joué un rôle actif. Autrement dit, le retour des juifs en Palestine, par leurs propres moyens, est une condition indispensable[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en sociologie politique, directeur de recherche CNRS, CERI-Sciences Po

Classification

Médias

Mausolée de Theodor Herzl - crédits : Pickow/ Hulton Archive/ Getty Images

Mausolée de Theodor Herzl

Theodor Herzl - crédits : Imagno/ Hulton Archive/ Getty Images

Theodor Herzl

Création de l'État d'Israël, 1948 - crédits : The Image Bank

Création de l'État d'Israël, 1948

Autres références

  • ALLON YIGAL (1918-1980)

    • Écrit par
    • 393 mots

    Militaire et homme politique israélien né le 10 octobre 1918 à Kefar-Thabor (Palestine, aujourd'hui en Israël), mort le 29 février 1980 à 'Afula (Israël).

    Yigal Allon, de son vrai nom Feikowitch, est l'un des premiers chefs du Palmakh, commando de la Haganah (organisation militaire...

  • AUX ORIGINES D'ISRAËL (Z. Sternhell) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 519 mots

    Qu'est-il advenu de la société nouvelle que les pères fondateurs d'Israël voulaient instaurer sur la Terre promise ? Tel est l'objet de la recherche que propose Zeev Sternhell dans son livre Aux origines d'Israël. Entre nationalisme et socialisme (Fayard).

    Présentée dès...

  • BEGIN MENAHEM (1913-1992)

    • Écrit par
    • 1 013 mots
    • 3 médias

    Sixième Premier ministre de l'État d'Israël, Menahem Begin est né à Brest-Litovsk le 16 août 1913. La ville que les juifs appelaient Brisk, aujourd'hui biélorusse, était alors polonaise. Durant toute sa vie, Begin est marqué par l'atmosphère pesante, voire sombre, dans laquelle vivent...

  • BEN GOURION DAVID (1886-1973)

    • Écrit par
    • 1 866 mots
    • 5 médias

    « Est monté en Israël en 1906 ». Cette épitaphe, qui figure sur la tombe de David Ben Gourion, témoigne avec force du fait que l'arrivée du jeune homme, en septembre 1906, dans la Palestine ottomane, constitua son véritable acte de naissance politique. Il n'eut de cesse, à compter de ce...

  • Afficher les 37 références