SIONISME
Le sionisme sur trois fronts (1897-1917)
Pour s'imposer comme un fait politique indiscutable, le sionisme a agi à trois niveaux : international (le concert des nations), régional (en Palestine), interne (dans le monde juif). Cette action combinée a commencé à l'orée du xxe siècle, bien avant que la Grande-Bretagne ne prenne possession d'une partie du Levant à l'issue de la Première Guerre mondiale.
Le sionisme dans les relations internationales
Herzl, et c'est là son apport majeur, cherche à faire du sionisme un enjeu diplomatique. « La question juive » ne doit pas être envisagée dans une perspective sociale ou humanitaire, elle doit être tenue pour éminemment politique et traitée comme telle par les nations du monde. Herzl agira constamment pour qu'elle vienne sur le tapis vert des négociations diplomatiques.
Dans un premier temps (1896-1902), il emploie tous ses efforts à convaincre les autorités ottomanes, alors souveraines en Palestine, d'élaborer une charte permettant l'installation des juifs. Sa proposition de principe à la Turquie ne variera pas avec les années : il s'agit d'obtenir la Palestine en échange de la promesse d'éponger la dette extérieure de la Turquie.
Les négociations épuisantes que Herzl mène avec la Sublime Porte ne débouchent toutefois sur rien. Par une intuition assez remarquable, il décide d'orienter ses efforts vers la Grande-Bretagne, convaincu que cette grande puissance impériale saura comprendre les aspirations nationales des juifs.
Après avoir témoigné en juillet 1902 devant la Commission royale sur l'immigration étrangère, Herzl maintiendra des contacts suivis avec les officiels britanniques, en particulier avec le ministre des Colonies, Joseph Chamberlain, qui lui propose de créer une colonie juive dans la région d'El-Arish, au nord du Sinaï en territoire égyptien, puis en Ouganda. Bien que ces propositions (et surtout la seconde) n'aient finalement pas reçu de suite, elles marquent une étape importante pour le mouvement sioniste à un triple point de vue :
– les juifs sont, pour la première fois, reconnus officiellement comme une nation à part entière ayant le droit de bénéficier d'une autonomie nationale sur une base territoriale ;
– l'organisation sioniste apparaît comme un interlocuteur pleinement légitime ;
– les sionistes sont parvenus à tisser des liens suivis avec les dirigeants britanniques, liens qui se révéleront extrêmement fructueux dans les décennies suivantes.
Bien qu'en son temps le sioniste russe Chaïm Weizmann, futur président de l'État d'Israël (1949-1952), se soit montré assez critique vis-à-vis du sionisme diplomatique de Herzl, il s'engagera pourtant dans cette « voie royale », après son installation en Grande-Bretagne en 1904. Là, il multipliera les rencontres avec les dirigeants britanniques, Mark Sykes, David Lloyd George et, bien entendu, Arthur James Balfour qui signera, le 2 novembre 1917, la lettre célèbre dans laquelle le gouvernement de Londres déclare envisager favorablement « l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif ». Cet engagement officiel, qui constitue le triomphe posthume de la ligne diplomatique préconisée dès l'origine par Herzl, s'explique pour toute une série de raisons liées directement à la situation de guerre. Une proclamation favorable au sionisme devait surtout permettre à la Grande-Bretagne de prendre une option sur ce Moyen-Orient hautement stratégique qui allait immanquablement échapper à la suzeraineté ottomane tout en s'attirant la sympathie active des juifs de deux nations alliées, la Russie et les États-Unis, dans la lutte contre les puissances centrales.
La déclaration Balfour marque un tournant capital dans l'histoire du sionisme puisque, avec son inclusion dans le mandat confié[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alain DIECKHOFF : docteur en sociologie politique, directeur de recherche CNRS, CERI-Sciences Po
Classification
Médias
Autres références
-
ALLON YIGAL (1918-1980)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 393 mots
Militaire et homme politique israélien né le 10 octobre 1918 à Kefar-Thabor (Palestine, aujourd'hui en Israël), mort le 29 février 1980 à 'Afula (Israël).
Yigal Allon, de son vrai nom Feikowitch, est l'un des premiers chefs du Palmakh, commando de la Haganah (organisation militaire...
-
AUX ORIGINES D'ISRAËL (Z. Sternhell) - Fiche de lecture
- Écrit par Ariane BONZON
- 1 519 mots
Qu'est-il advenu de la société nouvelle que les pères fondateurs d'Israël voulaient instaurer sur la Terre promise ? Tel est l'objet de la recherche que propose Zeev Sternhell dans son livre Aux origines d'Israël. Entre nationalisme et socialisme (Fayard).
Présentée dès...
-
BEGIN MENAHEM (1913-1992)
- Écrit par Claude KLEIN
- 1 013 mots
- 3 médias
Sixième Premier ministre de l'État d'Israël, Menahem Begin est né à Brest-Litovsk le 16 août 1913. La ville que les juifs appelaient Brisk, aujourd'hui biélorusse, était alors polonaise. Durant toute sa vie, Begin est marqué par l'atmosphère pesante, voire sombre, dans laquelle vivent...
-
BEN GOURION DAVID (1886-1973)
- Écrit par Alain DIECKHOFF
- 1 866 mots
- 5 médias
- Afficher les 37 références