SIONISME
L'État en route (1917-1948)
Le mandat remis à la Grande-Bretagne par la S.D.N. stipulait expressément que les autorités britanniques devaient « placer le pays dans les conditions politiques, administratives et économiques garantissant l'établissement d'un foyer national juif ». Très rapidement, toutefois, l'hostilité des Arabes face à « l'invasion sioniste » qui prend la forme d'émeutes antijuives (1920, 1921, 1929) conduit les Anglais à adopter une politique extrêmement précautionneuse vis-à-vis de la communauté juive de Palestine. Si celle-ci se renforce, au cours de la période mandataire, dans un contexte historique de plus en plus difficile (montée du nazisme en Europe, « grande révolte arabe » emmenée par le mufti de Jérusalem de 1936 à 1939), elle le doit essentiellement à l'obstination des dirigeants sionistes qui, patiemment, vont veiller à sa consolidation économique, sociale, militaire, culturelle et, bien entendu, politique.
Le triomphe du « sionisme étatique »
Bien que le mouvement sioniste, tel que conçu par Herzl, ait été centré sur la construction d'un État, il a toujours été caractérisé par un fort pluralisme idéologique, et donc par l'existence de courants qui entendaient donner un contenu national au judaïsme tout en étant enclins à un certain minimalisme politique.
Trois types de réticences ont ainsi accompagné l'expansion du sionisme. La première, qui trouva en Aḥad Ha Am (pseudonyme du juif russe, Asher Ginsberg, 1856-1924), son avocat le plus brillant, est d'ordre culturel. Pour lui, l'expression la plus authentique d'une nation est sa culture, terme qui désigne non seulement les productions intellectuelles, mais aussi les représentations religieuses, les principes moraux, et jusqu'aux activités économiques.
Les activités culturelles, par lesquelles le peuple juif exprime son génie propre, ont besoin pour se développer d'un centre spirituel, édifié en Palestine, qui exercera son influence sur l'ensemble de la nation juive dont la majorité continuera à résider hors du pays. Ce centre est donc national, non pas dans un sens strictement politique, mais dans un sens culturel et éducatif : il permet la dissémination de la langue et de la culture hébraïques à travers toute la Diaspora, solidifiant ainsi le sentiment d'unité.
Ce sionisme culturel, trop « élitiste », n'aura qu'une audience quantitativement limitée mais il entretiendra, chez de nombreux sionistes de l'Est, un vif intérêt pour les questions culturelles qu'atteste la fondation, dès 1925, de l'Université hébraïque de Jérusalem. Il exercera également un profond attrait sur le philosophe Martin Buber (1878-1965) qui fut le représentant le plus éminent d'un sionisme éthique, soucieux de construire une société pleinement fraternelle mais rétif à la toute-puissance de l'État. Le sionisme doit, à ses yeux, rester fidèle à l'idéal prophétique en tentant de réaliser, sur terre, l'utopie communautaire (dont le kibboutz est le prototype). Il ne doit pas faciliter le repliement nationaliste mais, au contraire, déboucher sur l'ouverture à l'Autre. Buber et d'autres intellectuels rassemblés dans des groupes comme l'Alliance pour la paix (Brit Shalom) militèrent donc, sans succès, pour l'édification d'un État binational, judéo-arabe, en Palestine.
Enfin, la troisième réserve vis-à-vis d'une excessive politisation du sionisme a été émise par les juifs orthodoxes, fidèles à la tradition religieuse. Si la majorité d'entre eux ont été, dès l'origine, violemment opposés au sionisme, tenu pour une hérésie cherchant à promouvoir par des moyens humains le retour des juifs à Sion alors même qu'il est du seul ressort de Dieu, une minorité s'est rassemblée, dès 1902, au sein du parti Mizraḥi (acronyme pour «[...]
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Écrit par
- Alain DIECKHOFF : docteur en sociologie politique, directeur de recherche CNRS, CERI-Sciences Po
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