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SIRÈNES, mythologie

En un épisode demeuré célèbre, L'Odyssée (liv. XII), qui nomme pour la première fois les Sirènes (Seirènes), raconte comment Ulysse parvint, en suivant les conseils de la magicienne Circé, à vaincre ces êtres redoutables, mi-femmes, mi-oiseaux, ou plus exactement à résister au charme fatal de leur chant. Celui-ci était, en effet, si beau que les navigateurs qui s'aventuraient à proximité de l'île méditerranéenne où séjournaient ces cruelles vierges jetaient leurs navires sur les écueils alentour et étaient alors dévorés sans pitié. Mais Ulysse eut la prudence d'ordonner à ses compagnons de se boucher les oreilles avec de la cire et de se faire lui-même solidement attacher au mât de son vaisseau, en défendant qu'on le délie, quelle que soit la vigueur de ses supplications. Il lui fut ainsi donné d'entendre l'inouï sans en périr et de triompher du désir le plus puissant qu'un mortel puisse éprouver. À l'artifice du héros rusé, devenu chez Alkinoos narrateur de ses propres exploits, il est peut-être permis de préférer l'« arme » du poète dans la légende des Argonautes : car c'est en opposant le chant au chant qu'Orphée ôte à ses compagnons, à l'exception du seul Boutès sauvé par Aphrodite, le désir d'aborder au funeste rivage (cf. Apollonios de Rhodes, Argonautiques, IV, 895). C'est sans doute la raison pour laquelle les Sirènes meurent du passage d'Ulysse, mais non de celui d'Orphée. Comme le remarque Maurice Blanchot dans Le Livre à venir, « Ulysse n'en fut cependant pas quitte. Elles l'attirèrent là où il ne voulait pas tomber, et, cachées au sein de L'Odyssée devenue leur tombeau, elles l'engagèrent, lui et bien d'autres, dans cette navigation heureuse, malheureuse, qui est celle du récit, le chant non plus immédiat mais raconté, par là en apparence rendu inoffensif, ode devenu épisode... » Nul ne joue donc impunément avec la mort, que ce soit à la manière d'Orphée ou à celle d'Ulysse. Il est en effet clair que les Sirènes sont des figures de la mort marine : deux chez Homère, elles sont plus généralement trois par la suite, comme les Moires dont Platon les rapproche dans le mythe d'Er, qui clôt La République. Leur nom, quoi qu'en dise Bailly, suggère un rapprochement avec seira, la corde ou le lasso. Elles sont d'anciennes compagnes de Perséphone qui auraient demandé aux dieux de les pourvoir d'ailes pour pouvoir rechercher celle-ci après son enlèvement chez Hadès, ou qui auraient au contraire été punies ainsi par Déméter de n'avoir pas assez veillé sur sa fille. Aphrodite leur est ennemie. Enfin, par leur père Achéloos, le dieu-fleuve, elles appartiennent à la postérité d'Océan et de Téthys : leur défaite dans L'Odyssée serait alors le symbole de la victoire des Olympiens, de même que la légende selon laquelle elles auraient été plumées par les Muses, irritées du défi qu'elles leur auraient lancé. Toutes les versions concourent donc à assimiler les Sirènes à ces forces élémentaires, archaïques et barbares que les Olympiens sont parvenus à maîtriser, sans aller toutefois, avec leur prudence coutumière, jusqu'à tout à fait s'en affranchir.

Ulysse et les sirènes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Ulysse et les sirènes

Ulysse et les sirènes - crédits : Art Images/ Hulton Fine Art Collection/ Getty Images

Ulysse et les sirènes

— Robert DAVREU

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Écrit par

  • : enseignant en littérature générale et comparée à l'université de Paris-VIII, poète et traducteur

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Ulysse et les sirènes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Ulysse et les sirènes

Ulysse et les sirènes - crédits : Art Images/ Hulton Fine Art Collection/ Getty Images

Ulysse et les sirènes

Autres références

  • BESTIAIRES

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