SISMONDI JEAN CHARLES LÉONARD SIMONDE DE (1773-1842)
Économiste et historien, fils d'un pasteur genevois d'origine toscane, Sismondi, en 1803, publia son ouvrage De la richesse commerciale, qui le fit apparaître comme un disciple d'Adam Smith. Après avoir achevé son Histoire des républiques italiennes du Moyen Âge (1817), il entreprit à partir de 1818 une monumentale Histoire des Français (qui devait comprendre 31 volumes et qui s'arrête à la maison de Valois). Il publia aussi plusieurs ouvrages sur l'Antiquité et sur le Moyen Âge, notamment Julia Severa ou l'An 492 (1822) et Histoire de la chute de l'Empire romain (1835). Familier de Mme de Staël à Coppet, ami politique de Benjamin Constant, correspondant de Stendhal, qui le tenait en haute estime, membre de plusieurs académies, Sismondi, dans cette période de sa vie, est engagé dans une carrière qui se situe à l'intersection de la littérature et de la politique des milieux libéraux.
En 1817, il revint à l'étude des questions économiques avec la rédaction de l'article « Political Economy », qui lui était demandé par Brewster pour l'Edinburgh Encyclopaedia. L'année suivante, il publia son œuvre maîtresse, les Nouveaux Principes d'économie politique, en relation avec un voyage en Angleterre, où les années 1815, 1818 et 1825 furent marquées par les premières crises cycliques de surproduction. Dans cet ouvrage, comme dans les suivants, tels que les Études sur l'économie politique (1837-1838), Sismondi entreprit de critiquer, pour son incapacité à assurer le bonheur des hommes, la théorie économique classique, smithienne et libérale.
Sa critique porte sur la conception même que l'école classique anglaise se fait de l'objet et de la méthode de la science économique. Il conçoit celle-ci comme une branche des sciences sociales et non comme une chrématistique. Sismondi ne se contente pas de dénoncer les conséquences du capitalisme industriel de son époque : chômage technologique, concentration des revenus, sous-consommation ouvrière, recul de l'artisanat et de la petite exploitation agricole devant les nouveaux modes de production capitalistes (phénomène dont, en tant que propriétaire foncier en Toscane, il observe les manifestations dans une société encore agraire). Soucieux de montrer les raisons de ces maux, il en vient à formuler une théorie des déséquilibres globaux dans les économies de marché, théorie dont la valeur méthodologique a pendant longtemps été méconnue. Il objecte à la proposition célèbre de Say, dite loi des débouchés, selon laquelle « les produits s'échangent contre les produits », que cela n'est vrai que si l'on fait abstraction du temps et de l'espace. Sismondi est le premier auteur à introduire dans le raisonnement l'hypothèse d'un délai (qu'il évalue à une année, compte tenu de l'importance que joue encore l'agriculture dans la formation des revenus) entre l'acquisition et la dépense du revenu. Il prévoit aussi que le commerce international peut, par ailleurs, être source de déséquilibre.
Sismondi analyse les rapports sociaux comme se ramenant à des rapports entre deux classes : les capitalistes et les prolétaires. Il a ainsi exercé une influence certaine sur Marx, bien que son refus de condamner la propriété privée interdise de le classer parmi les socialistes. Il est le seul auteur à être mentionné nommément dans le Manifeste communiste, et Marx se réfère à lui fréquemment dans Le Capital, surtout dans le livre Ier ; mais, par la suite, il se fait de plus en plus critique à l'égard de Sismondi.
L'œuvre de Marx ayant finalement limité l'influence de Sismondi sur les écoles socialistes, cette dernière s'est plutôt exercée en marge de la controverse entre libéraux et socialistes au xixe siècle, Sismondi faisant ainsi figure de chef de file[...]
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Écrit par
- Hélène FISERA : auteur
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