DJEBEL IRHOUD SITE ARCHÉOLOGIQUE DE
Nouvelles perspectives sur l’évolution de notre espèce
Ces nouvelles datations vieillissent donc considérablement les hommes d’Irhoud, en font les plus anciens fossiles d’Homo sapiens actuellement connus et obligent à revoir le schéma classique concernant l’évolution de notre espèce en Afrique. Pour les chercheurs de Leipzig, l’origine et l’évolution d’Homo sapiens ne sont pas à rechercher uniquement à l’est ou au sud : elles impliquent l’ensemble du continent (d’où une origine dite panafricaine). La présence, au sud comme au nord, d’industries lithiques à débitage Levallois du Middle Stone Age (grande étape de la préhistoire africaine qui correspond au Paléolithique moyen d’Europe) soutient une telle interprétation. Avant 300 000 ans, des groupes d’Homo sapiens archaïques auraient occupé l’ensemble de l’Afrique et auraient contribué à l’évolution vers la morphologie moderne. À cette époque, le Sahara n’était pas le désert qu’il est aujourd’hui et ne constituait donc pas une barrière limitant les mouvements de populations. C’était une région verdoyante qui facilitait les mouvements et les échanges entre le nord et le sud du continent. Il n’y a donc aucune raison de penser que seuls les Homo sapiens archaïques de l’Afrique de l’Est ont évolué vers la morphologie moderne. Cette évolution a dû se produire dans un espace beaucoup plus vaste, au sein de diverses populations qui ont contribué de manières variées à la constitution de la morphologie de l’homme actuel. Avec les fossiles d’Irhoud, la face est déjà moderne alors que le crâne cérébral est en retard.
Les hommes modernes découverts en Israël, sur les sites de Skhül et Qafzeh, et qui sont datés de 100 000 ans environ, pourraient avoir leur origine dans la population représentée par les fossiles du Djebel Irhoud. Les différences morphologiques entre ces populations sont faibles et la distance qui les sépare n’est pas plus importante que celle qui les isole des fossiles sud-africains.
Ce qui est remis en cause par les nouvelles datations du Djebel Irhoud, c’est le schéma d’une origine unique et est-africaine des populations modernes. Il s’agirait plutôt d’un processus complexe mettant en cause des populations humaines réparties sur l’ensemble du continent, ayant coexisté, voire échangé leurs gènes. Le berceau de l’humanité actuelle ne serait donc plus uniquement l’Afrique de l’Est.
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Écrit par
- Bernard VANDERMEERSCH : docteur es sciences, ancien professeur d'anthropologie à l'université de Bordeaux
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