ANGEAC-CHARENTE SITE PALÉONTOLOGIQUE D'
On connaît en France, principalement en Provence et en Languedoc, un grand nombre de gisements de vertébrés continentaux datant du Crétacé supérieur, la plupart se situant entre — 83 et — 66 millions d'années. Ceux qui remontent au Crétacé inférieur (de — 145 à — 100 millions d'années) sont beaucoup plus rares. La découverte d'un site paléontologique particulièrement riche datant de l'Hauterivien-Barrémien (de — 133 à — 126 millions d'années) dans la commune d'Angeac-Charente, dans le sud-ouest de la France, n'en est que plus intéressante [D. Néraudeau et al., « The Hauterivian-Barremian lignitic bone bed of Angeac (Charente, south-west France) : stratigraphical, palaeobiological and palaeogeographical implications », in Cretaceous Research, vol. 37, pp. 1-14, 2012].
Dans cette région, les niveaux à lignite fossilifères sont recouverts par les alluvions quaternaires de la Charente qui sont exploitées pour le gravier. À la suite de la découverte d'ossements de dinosaures remaniés dans ces alluvions, une première fouille, réalisée en 2010, dans les niveaux crétacés démontra l'importance du site. Les recherches conduites depuis lors ont livré de nombreux restes de plantes et d'animaux qui permettent une reconstitution d'un écosystème continental du Crétacé inférieur.
L'âge du gisement a été établi principalement à partir des spores et grains de pollen. Les fossiles se sont apparemment accumulés dans un marais d'eau douce dans lequel vivaient des algues et des mollusques. Les restes végétaux indiquent que l'étendue d'eau était entourée de conifères et de fougères. Le marais était habité par des poissons, parmi lesquels des requins d'eau douce, et des crocodiles. Un os unique indique la présence de plésiosaures. Les tortues sont représentées par au moins trois espèces. Les restes de dinosaures sont nombreux à Angeac-Charente. Les plus spectaculaires sont sans doute ceux des sauropodes (dinosaures herbivores de grande taille), avec notamment un fémur d'une longueur de plus de deux mètres qui paraît être un des plus grands que l'on connaisse au monde. Des vertèbres et des dents ont aussi été mises au jour. L'étude de ce matériel est en cours et permettra de déterminer combien d'espèces sont présentes. Les théropodes (dinosaures carnivores) sont représentés par des dents tranchantes et crénelées. Mais les restes les plus inattendus sont ceux de plusieurs individus d'une espèce d'ornithomimosaure (« dinosaure-autruche »). L'abondance des ossements de cet animal suggère que tout un groupe a été victime d'un événement catastrophique et enseveli sur place. Les ornithopodes sont représentés par des dents appartenant à Hypsilophodon, un petit dinosaure bien connu dans le Crétacé inférieur d'Angleterre, et par une dent attribuable à une forme proche d'Iguanodon.
La richesse du gisement d'Angeac-Charente lui confère une importance considérable pour notre connaissance des écosystèmes du Crétacé inférieur en Europe. Ce site permet de fructueuses comparaisons avec d'autres gisements d'âge similaire en Angleterre et dans la péninsule Ibérique. En outre, les découvertes d'Angeac-Charente sont « encadrées » chronologiquement par celles qui ont été réalisées auparavant dans des sites plus anciens (Berriasien, base du Crétacé) et plus récents (Cénomanien, début du Crétacé supérieur) dans cette même région des Charentes, ce qui ouvre la voie à une reconstitution de l'évolution des environnements, des flores et des faunes dans cette partie de la France.
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Écrit par
- Eric BUFFETAUT : directeur de recherche émérite au CNRS
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