ŚIVA ou SHIVA ET SHIVAÏSME
Doctrines shivaïtes
Si Śiva est une figure qui appartient au panthéon des sectes les plus diverses, si, dans la mythologie des écoles non sectaires ou syncrétistes il est membre d'une triade où il figure, en qualité d'agent de la destruction périodique des mondes, à côté de Brahmā créateur et de Viṣṇu mainteneur de l'univers, il a été aussi élevé au rang de dieu unique, principe absolu, au-dessus du monde ; ses diverses figures décrites dans les textes mythologiques ou représentées dans la sculpture deviennent alors des personnifications accidentelles et témoignent de ses interventions de justicier ou de protecteur compatissant dans le monde.
Les doctrines shivaïtes, fondées sur le dogme de cette transcendance, sont nombreuses et se différencient principalement dans leur conception de la relation entre Śiva transcendant et le monde phénoménal. L'histoire révèle quelques écoles disparues aujourd'hui, telles que celles des Kāpālika et Lākuliśa qui se signalent par leur ascétisme rigoureux, leur discipline de renoncement et d'imitation de la figure de Śiva sous son aspect d'ascète, celle des Pāśupata qui a été très florissante au Karnāṭaka entre le xe et le xiiie siècle, qui possédait une bonne organisation en monastères ou centres d'activité culturelle, intellectuelle et d'enseignement, qui a enfin inspiré le style très raffiné des nombreux temples édifiés alors dans la partie nord de cette région. Les écoles, dont l'histoire se poursuit encore de nos jours, sont le śaivasiddhānta dont les sources sont sanskrites, son homonyme dont les sources sont tamoules, l'école du Kaśmīr, celle des Vīraśaiva. Leur rayonnement s'est étendu à la religion et à la pensée indiennes dans leur ensemble. Le Vedānta tardif s'explique notamment par leur influence. Sous celle du śaivasiddhānta, Śrīkaṇṭha (xive s.) et Appayya Dīkṣita (xvie s.) ont fait une véritable synthèse, appelée śivādvaita, de la pensée upaniṣadique non dualiste et du shivaïsme.
Le śaivasiddhānta sanskrit
Cette dénomination (littéralement « conclusions relatives à Śiva ») peut être rapportée à un ensemble de doctrines, très bien systématisé, qui se fonde sur vingt-huit textes, les āgama shivaïtes, et qui a été exposé par des docteurs shivaïtes dont les plus importants sont Sadyojyoti, Rāmakaṇṭha, Śrīkaṇṭha, Nārāyaṇakaṇṭha, Aghoraśivācārya, Umāpatiśivācārya. L'origine géographique de ce groupe de vingt-huit āgama shivaïtes est difficile à préciser. On pense généralement que ces textes sont du sud de l'Inde, sans qu'il y ait d'arguments très sûrs pour étayer cette thèse. Quant aux docteurs shivaïtes qui s'échelonnent approximativement entre le xe et le xive siècle, leur action s'exerça dans diverses régions de l'Inde, du Kaśmīr (la famille des Kaṇtha) au Tamilnād (Aghoraśivācārya, Umāpatiśivācārya).
Ce śaivasiddhānta sanskrit s'oppose à l'effort moniste de son homonyme tamoul et des autres écoles pour unifier toutes choses en Śiva, et considère comme réalité absolue la différence, la dualité ( dvaita) de Śiva, pure pensée, et de la matière première d'où sort le monde phénoménal, dualité de Śiva, soi suprême, et des âmes individuelles, même quand elles sont libérées de ce qui les lie aux objets du monde. Une autre notion ordonne toutes les vues sur le monde et sur sa marche : c'est la grâce, ou la pitié, qualité essentielle de Śiva. Śiva agit, crée, détruit, etc., toujours par sa grâce. Les choses du monde sont ce qu'elles sont, la marche du monde est ce qu'elle est, parce qu'elles sont l'objet de la grâce divine. L'épuisement des conséquences des actes est nécessaire pour l'obtention de la grâce. Le monde est donc présenté comme le moyen de mener à bonne fin cet épuisement, cette consommation des actes[...]
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Écrit par
- Pierre-Sylvain FILLIOZAT : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
Classification
Médias
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