SLAVES
Vocabulaire
Les langues slaves ont en commun un abondant fonds de vocabulaire, dans lequel on peut distinguer plusieurs couches. Il y a la masse des mots hérités de l' indo-européen : dans les mots russes mat' « mère », vdova « veuve », more « mer », dom « maison », ogon' « feu », novyj « neuf », vethij « vieux », levyj « gauche », videt' « voir », sidet' « être assis », pasti « faire paître », vezti « conduire en voiture », idti « aller », on reconnaît facilement de vieux mots, identiques aux mots latins mater, vidua, mare, domus, ignis, novus, vetus, laevus, videre, sedere, pascere, vehere, ire (dans tous ces cas, la ressemblance du slave et du latin s'explique par une origine commune indo-européenne, et non par un emprunt). À cela s'ajoutent des mots inconnus des autres langues indo-européennes, mais communs au balte et au slave, comme, en russe, ruka « main », golova « tête », rog « corne », qui se retrouvent dans le lituanien ranka, galva, ragas. Il y a ensuite des emprunts faits par le slave aux peuples voisins au cours du premier millénaire de notre ère : de nombreux emprunts germaniques comme, en russe, šlem « casque », polk « régiment », knjaz' « prince », korol' « roi », qui remontent aux mots germaniques représentés en allemand moderne par les mots Helm « casque », Volk « peuple », König « roi », et par le nom propre Karl. L'adoption du christianisme amène l'emprunt de mots grecs et latins comme, en vieux slave, crǔky et, en russe, cerkov' « église », du grec kyriakon ou, en russe, poganyj « païen », du latin paganus. Le latin fournit aussi (directement ou par l'intermédiaire du germanique) de nombreux termes de civilisation : ainsi le mot russe bien connu izba vient du latin vulgaire extufa « bain de vapeur », qui a donné en français « étuve » ; on présume qu'il est venu par l'intermédiaire du germanique (cf., en allemand, Stube « chambre »), le sens premier est donc « pièce chauffée ». De même, en russe, osël « âne » et vino « vin » viennent des mots latins asellus et vinum.
Toutes ces couches de mots constituent le fonds commun des langues slaves, acquis dès avant l'époque des premiers textes (ixe s.), et se retrouvant dans la plupart des cas à la fois en vieux slave et dans la majorité des langues modernes. De plus, sur la base de racines ou de mots simples, hérités ou empruntés, le slave a la faculté de développer très largement son vocabulaire par divers procédés, dont le plus important de beaucoup est la dérivation. Il se crée ainsi des séries de mots dérivés par accumulation de suffixes, comme on le voit par les exemples russes suivants : pravyj « droit », pravit' « diriger », pravitel' « gouvernant », pravitel'stvo « gouvernement », pravitel'stvennyj « gouvernemental », et aussi pravda « vérité », pravdivyj « véritable », pravilo « règle », pravil'nyj « correct », pravil'nost' « correction. La composition joue aussi un rôle, quoique plus limité : ravnopravie « égalité des droits », pravoslavie « orthodoxie ». Ce dernier mot montre comment le slave peut traduire un terme étranger en utilisant ses propres ressources, par le procédé dit du calque, qui est une traduction morphème par morphème : pravoslavie est formé de pravǔ, qui traduit le grec orthos « droit », et de slava, qui traduit le grec doksa « doctrine » : il est donc un calque du grec orthodoksia. De cette façon, il a existé, dès l'époque vieux-slave, un riche vocabulaire apte à rendre la pensée abstraite.
Au cours de leur histoire séparée, les diverses langues slaves ont continué à enrichir leur vocabulaire soit par leurs ressources propres, soit par le recours à l'emprunt. On note[...]
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Écrit par
- Denise EECKAUTE : maître assistant à l'Institut national des langues et civilisations orientales.
- Paul GARDE : professeur de langue et littérature slaves à l'université de Provence
- Michel KAZANSKI : chargé de recherche au C.N.R.S.
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