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SMALL AXE, série télévisée

À partir du 15 novembre 2020, sous le titre Small Axe, la BBC a diffusé sous forme de mini-série cinq œuvres de fiction réalisées par Steve McQueen (disponibles depuis 2021 sur la plateforme Salto) : Mangrove, Lovers Rock, Red, White and Blue, Alex Wheatle et Education. Ces films n’ont en commun ni un récit unique ni des acteurs, ni même un métrage – Mangrove dure 2 heures et 7 minutes, les quatre autres à peine plus d’une heure – mais se fondent pour l’essentiel sur des faits historiques : Mangrove s’intéresse au procès célèbre de neuf activistes noirs jugés pour incitation à l’émeute en 1970 ; Alex Wheatleévoque les débuts dans la vie de ce romancier d’origine jamaïcaine ; quant à Education, il s’inspire de l’enfance du cinéaste. Pour écrire les scénarios, celui-ci s’est associé à Alastair Siddons (films 1, 4 et 5) ou à Courttia Newland (films 2 et 3). Regroupés dans ce que leur auteur appelle « une anthologie », ces films dépeignent tous des aspects de la vie à Londresdes Noirs ou des mulâtres issus des Caraïbes, entre 1968 et le milieu des années 1980. Quant au titre, il est emprunté à une chanson de Bob Marley, qui figure dans son disque Burnin (octobre 1973) et défie en langage biblique les grands de ce monde : « So if you are the big tree,/We are the small axe/Ready to cutyou down. » (« Si donc vous êtes le gros arbre, nous sommes la petite hache prête à vous abattre. »).

De fait, l’inspiration musicale caribéenne est de grande conséquence dans Small Axe : dans le deuxième épisode, Lovers Rock, qui évoque une soirée d’anniversaire, elle traduit les sentiments des protagonistes (notamment Micheal Ward et Amarah-Jae St. Aubyn) et définit la forme des danses, qu’elles expriment la tendresse, le désir, la sensibilité spirituelle ou l’attachement à la communauté. Elle gouverne donc la mise en scène, qui en épouse chacune des nuances en évitant toute complaisance. Expression de la collectivité, elle fait mieux que la langue : cette dernière, en effet, se présente en désordre, tant elle s’écarte de manière multiple et à des degrés divers de l’anglais, autrefois langue des maîtres, puis langue de l’injustice policière.

Au cœur de la musique

À la façon d’une ouverture, Mangrove présente, outre l’association de la musique avec l’affirmation d’une humanité noire, les différentes tonalités et les principales préoccupations de la série tout entière : l’intérêt pour le discours et l’éducation préfigure Alex Wheatle et Education ; les heurts avec des policiers haineux et brutaux annoncent Red, White and Blue, lorsque le héros s’engage dans leurs rangs, convaincu de pouvoir améliorer les choses. Le Mangrove, c’est-à-dire le « palétuvier », est un restaurant créole devenu un haut-lieu de la sociabilité et de la culture caribéennes. Il fait donc l’objet, de la part d’une police raciste, de scandaleuses accusations et de vandalisme. Les fêtes, les manifestations de protestation, les conversations amicales ou les affrontements, mais aussi les discussions sur la stratégie à adopter face à l’injustice et les séances du tribunal, qui acquittera en 1971 les accusés connus sous le nom de Mangrove Nine, fournissent autant d’occasions de diversifier le style de la mise en scène, entre les pôles de l’allégresse et de la violence, du rite judiciaire et du désordre familier. Si la leader de la branche britannique des Black Panthers, Altheia Jones-LeCointe (interprétée par Letitia Wright) faisait partie du groupe des Mangrove Nine, il faut souligner que leur victoire fut d’abord le fruit du courage avec lequel tous ont décidé de faire confiance au droit, en dépit des préjugés.

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, rédacteur à la revue Positif

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