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SMALL AXE, série télévisée

Le chemin vers une parole juste

Si Mangrove revendique à la fois, contre la police, le respect des droits et le libre exercice d’une convivialité, Leroy Logan (John Boyega), le héros de Red, White and Blue, autre histoire inspirée de faits réels, mise sur la rectitude des règles et des lois, réussit brillamment l’examen d’entrée dans les forces de l’ordre et entend accomplir sa tâche dans le respect le plus scrupuleux des textes censés régir une société. Cet esprit scientifique, dont le sport assure la maîtrise corporelle, prolonge ainsi la tradition familiale de passion pour les certitudes bien établies, bien que le père de Logan lui reproche son choix. Mais les termes légaux ne le protégeront pas, au commissariat, des bassesses de ses collègues et de son supérieur, pas davantage qu’ils ne lui livreront les délinquants qu’il poursuit : ici, la vaste et hasardeuse étendue, filmée en magnifiques mouvements, là l’étroitesse des lieux et des esprits se révèlent également hostiles à la mise en œuvre de la légalité. Le récit est suspendu au moment où Leroy prend conscience que la confusion du monde concret résiste à son projet rationnel. Rien ne dit pourtant qu’il abandonne sa mission.

Le parcours aventureux d’Alex Wheatle (interprété successivement par Sheyi Cole et Asad-Shareef Muhammad), naïf passionné de reggae, comporte des épisodes dignes d’Oliver Twist ou du Comte de Monte-Cristo, mais aussi des éléments picaresques. Il correspond à une véritable initiation intellectuelle et spirituelle, qui se déroule dans la prison, où il est incarcéré à la suite des émeutes de Brixton en 1981, où son codétenu rasta prodigue au futur écrivain les conseils de sagesse et lui recommande de lire Cyril Lionel Robert James, un des pionniers de l’anticolonialisme dans le monde anglophone. Mais il est révélateur que ce soit la littérature et non la lutte armée qui représente le salut de Wheatle, dont la mise en scène faisait d’abord un personnage passablement égaré.

Au fil des épisodes, on voit donc s’affirmer de plus en plus clairement l’importance de l’éducation, celle-là même qui donne son titre au cinquième film en suggérant une conclusion des plus explicites. Au cours des années 1970, une mère courageuse (Sharlene Whyte) se voit secourue par une association de parents d’élèves qui l’aide à arracher son fils (Kenyah Sandy) à une école pour enfants « scolairement insuffisants » où le mépris raciste parquait sans vergogne beaucoup de jeunes Noirs, et à l’inscrire dans un milieu éducatif propice à l’épanouissement de sa personnalité et de son intelligence.

On l’aura compris, cette « anthologie » livre une critique virulente et argumentée du racisme tel qu’il s’exprimait dans la Grande-Bretagne des années 1970-1980. Mais elle ne plaide ni pour l’émeute, ni même pour la rupture ; de façon beaucoup plus originale, elle exprime la réalité d’une sociabilité caribéenne, allègre et énergique, capable de créer des expressions politiques. Elle montre aussi que le savoir, le discours, la pensée, fruits de l’éducation et du courage individuels, sont parmi les moyens les plus sûrs d’accéder à la liberté.

— Alain MASSON

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, rédacteur à la revue Positif

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