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SMṚTI, hindouisme

Le mot sanskrit smriti (smṛti, « mémoire ») désigne « la Tradition », tandis que shrûti (śrūti, « audition »), désigne « la Révélation », c'est-à-dire l'ensemble des Écritures sacrées, le Veda. L'hindouisme, en effet, s'il se fonde effectivement sur les textes védiques (hymnes du Rigveda et de l'Atharvaveda, traités rituels, Brâhmanas, Aranyakas et Upanishads), les prolonge par une masse énorme d'autres ouvrages, pour la plupart en vers, qui concernent eux aussi la religion sous tous ses aspects. Mais c'est un acte de foi pour chaque hindou que le Veda est « éternel, non humain, permanent », alors que les textes de Smriti ont été composés par de saints personnages à seule fin d'« adapter » la doctrine védique aux conditions particulières de notre « âge cosmique », le Kali-Yuga, qui correspond à l'« âge de fer » d'Hésiode. C'est donc à la sphère de la Tradition (Smriti) qu'appartiennent les Purânas, les Agamas, les Tantras, les Dharma-Shâstras, ainsi que les deux grandes épopées : le Mahâ-Bhârata et le Râmâyana. Que ces textes soient tenus pour sacrés (bien que non révélés), on le voit au fait qu'ils sont tous rédigés en sanskrit (la « langue des dieux », daivī vāk) et qu'un poème aussi vénéré que la Bhagavad-Gîtâ en fait partie intégrante. Mais, justement, l'une des caractéristiques de l'hindouisme « classique » (c'est-à-dire postvédique, donc postérieur au ~ vie s.), c'est que les grands courants religieux qui l'animent utilisent tous des textes de Smriti comme ouvrages de référence : le Dévî-Mhâtmya (« Célébration de la déesse ») pour les tenants du shâktisme, le Bhâgavata-Purâna pour les dévots de Krishna, le Vishnu-Purâna pour les sectateurs de Vishnu, etc. Le Veda, quant à lui, ne vaut que pour les grands sacrifices et les rites privés ; mais, si ces derniers restent vivants, la liturgie védique solennelle est depuis longtemps périmée, ce qui conduit à une situation paradoxale : l'hindouisme moderne est une religion qui se réfère à des textes normatifs simplement traditionnels, cependant que le canon révélé qu'elle vénère reste un livre scellé, sans usage pratique.

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Autres références

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