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SNORRI STURLUSON (1179-1241)

Depuis huit siècles qu'elle existe, la littérature islandaise n'a jamais compté d'écrivain comparable à Snorri, fils de Sturla de Hvammr. Mythologue, sagnamadr (compositeur de sagas), poète, pédagogue, historien hors pair, il domine de sa puissante stature non seulement ses compatriotes, mais, on peut oser le dire malgré l'ignorance où l'on reste de son œuvre en France, le xiiie siècle européen. Intelligent et équilibré, il détonne sur son temps d'excès et de passions violentes, car il a la trempe d'un génie classique : le seul véritable classique, peut-être, que le Nord ait connu.

Un aventurier

La vie de Snorri Sturluson est déjà une subtile saga. Il descend par sa mère, Gudný Bödvarsdóttir, du grand scalde Egill Skallagrímsson ; fils d'un arriviste célèbre, Sturla Þórðarson, établi dans l'ouest de l'île, à Hvammr, et lui-même rejeton d'un des prestigieux colonisateurs de l'île, Snorri le Godi (héros de l'Eyrbyggja Saga), Snorri eut la chance d'être élevé par Jón Loftsson qui avait dans les veines du sang des rois de Norvège et entretenait, à Oddi, dans le sud de l'Islande, le centre intellectuel le plus vivant de l'époque. À vingt ans, il épouse la riche Herdís, de Borg, ancien fief du scalde Egill. Il s'installe ensuite à Reykjaholt (aujourd'hui Reykholt) où il aménage une résidence somptueuse.

L'homme est difficile à comprendre. Ambitieux et fluctuant, intelligent à l'excès mais paralysé par un redoutable sens critique, avare et frivole, capable de pingrerie sordide comme de générosité, à la fois loyal et inconstant, sa passion, avec la littérature, était la politique qu'il mena en manœuvrier retors. Il aurait aimé s'imposer comme le grand chef de son époque, mais n'y réussit pas. Ses menées tortueuses, qui le dressèrent par moments contre ses frères et ses gendres eux-mêmes, finirent par le desservir.

Il fut pourtant promu à la plus haute dignité du pays en devenant lögsögumadr (sorte de président du Parlement et de la Cour suprême) de 1214 à 1218, et de 1222 à 1226. En 1218, il entreprit un voyage en Norvège et en Suède : l'Islande était déchirée par les dissensions sanglantes qui opposaient les familles dominantes et le jeune roi norvégien Hákon Hákonarson, désireux d'exploiter ces divisions à son avantage, après avoir (peut-être) conféré à Snorri, en secret, le titre de jarl, essaya de l'utiliser comme agent. Snorri rentra en Islande en 1220, mais il travailla beaucoup plus à son propre avancement qu'à celui des visées royales. Cependant, une guerre civile l'accula à s'enfuir en Norvège (1237), où il retrouva bien son protecteur, le jarl Skúli, rival du roi Hákon, mais où il dut subir la mauvaise humeur de ce dernier qui lui interdit de rentrer dans son pays. Snorri passa superbement outre et réintégra sa patrie où l'attendaient les biens immenses qu'il devait à son savoir-faire et aussi, après la mort de Herdís, à son remariage avec la plus riche veuve du pays, Hallveig Ormsdóttir. Il n'en fallut pas davantage à Hákon pour faire lâchement exécuter Snorri, dans la cave de sa demeure.

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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