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SOCIABILITÉ, notion de

À ce terme, qui fait son apparition en 1756 sous la plume du marquis de Mirabeau, trois sens sont aujourd'hui attachés : l'aptitude à vivre en société ; la facilité des rapports sociaux qui caractérise une personne ou un groupe ; l'ensemble des diverses formes – intellectuelles, mondaines, etc. –, que prend la disposition générale d'abord mentionnée. Le terme en question désigne donc à la fois l'état qui résulte immédiatement des facultés de l'homme – l'état de société – et un trait de psychologie individuelle et collective attribué à un individu ou à une classe sociale. Victor Hugo, en s'interrogeant sur ce « que peut devenir la sociabilité humaine entre un prince que le despotisme hébète et un paysan que l'esclavage abrutit » (Le Rhin), fournit une bonne illustration de la première acception. La seconde est notamment introduite, au début du xixe siècle, par Mme de Genlis pour qui « la tempérance naturelle des Français contribue beaucoup à cette sociabilité qui les distingue ». C'est cette dernière signification qu'historiens et sociologues se sont appliqués, au xxe siècle, à spécifier en précisant les contenus et les formes de la sociabilité.

Analyser la sociabilité

Il revient à Maurice Agulhon d'avoir analysé, avec Le Cercle dans la France bourgeoise 1810-1848 (1977), la mutation d'une sociabilité – définie comme « l'aptitude générale à vivre intensément les relations publiques » –, au sein d'une classe à laquelle ce terme n'a pas semblé davantage s'appliquer qu'à la noblesse. Agulhon relève en effet, dans son texte introductif « La Sociabilité, la sociologie et l'histoire », que l'étude du mouvement ouvrier représentant un genre historique « noble », les compagnonnages, mutuelles et syndicats ont été privilégiés au détriment de la sociabilité bourgeoise dans l'exploration de la vie associative au xixe siècle. Les manifestations de la sociabilité de toutes les classes laborieuses ont été envisagées – les fêtes paysannes, notamment – par une historiographie qui a longtemps abandonné la vie des salons, les idées et les mœurs des couches supérieures à l'histoire littéraire ou à la « petite histoire ».

Une optique plus globale a été mise en place par Norbert Elias. Dans La Dynamique de l'Occident (1939, trad. franç., 1975), l'historien et sociologue allemand a bien montré que le fait majeur de l'évolution des sociétés occidentales est la réduction de l'écart qui initialement sépare le comportement des élites sociales de celui des masses populaires. Les contrastes s'estompant, la stricte observance du code formel est devenue discriminante, et d'autant plus impérative que s'intensifie la concurrence autour des statuts. La théorie qu'il développe de la substitution de l'autocontrainte à la contrainte sociale intéresse l'histoire de la sociabilité, dans la mesure où elle éclaire le double processus de psychologisation et de rationalisation qui s'engage à partir du moment où l'épée cède la place à la « cabale » et la pulsion au calcul. Une véritable psychologie collective prend forme après la Renaissance, avec l'art d'observer les hommes en fonction de leur insertion sociale. L'attention sourcilleuse portée aux bonnes manières, le mépris dont on accable celui qui commet une faute de goût trouvent leur origine dans l'intériorisation des tensions, que l'on ne peut plus réduire par le recours à la violence. L'historien de La Civilisation des mœurs a néanmoins montré moins d'intérêt pour le nouveau genre de distinction imposé par le rapprochement et le mélange des classes sociales que pour les aspects purement matériels de la sociabilité. Il a ainsi centré l'essentiel de[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-V-Sorbonne, secrétaire général de L'Année sociologique