SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
Alors que sa création a été envisagée dès 1785 par Jean-Nicolas Buache, « premier géographe » du roi Louis XVI, la Société de géographie de Paris est fondée le 15 décembre 1821 sous l’impulsion de nombreuses personnalités, et notamment de Conrad Malte-Brun, géographe danois exilé à Paris – qui propose, en 1810, une première Géographie universelle –, d’Edme François Jomard, ingénieur-géographe, de Jean-Denis Barbié du Bocage, géographe, ou encore de Charles Walckenaer, naturaliste. Elle compte au départ deux cent dix-sept membres, français et étrangers et est reconnue d’utilité publique dès 1827, certains de ses membres étant des ministres de Louis XVIII. Première société de géographie à être fondée dans le monde, elle sera suivie entre autres par celles de Berlin (1828), Londres (1830), Saint-Pétersbourg (1845), New York (1852) – ce qui permet la mise en place d’un réseau international de géographes – puis par de nombreuses sociétés de province à partir de 1870.
Dans la lignée des multiples sociétés savantes du siècle des Lumières qui croient en l’universalité de la science, la Société de géographie a pour but de regrouper des érudits et spécialistes intéressés par la connaissance et l’exploration du globe (officiers de marine, ingénieurs géographes, hydrographes militaires, explorateurs) afin d’élever ce domaine au rang de discipline scientifique. L’organisation de voyages dans des contrées lointaines, l’attribution de prix – notamment aux explorateurs René Caillié, David Livingstone, Pierre Savorgnan de Brazza, Roald Amundsen –, la publication de documents et de cartes et la correspondance avec les autres sociétés savantes participent dès lors à enrichir un fonds, aujourd’hui consultable à la Bibliothèque nationale de France. De nombreux membres contribuent à sa renommée – ainsi l’égyptologue Champollion, le physicien Gay-Lussac, les explorateurs Jules Dumont d’Urville et Alexander von Humboldt, les écrivains Chateaubriand ou Jules Verne, qui se nourrit des Bulletins de la société de géographie pour écrire ses romans...
Toutefois, et jusqu’aux années 1860, la Société de géographie peine à se développer et à conserver ses membres : si elle parvient à faire de la géographie une discipline, en faire une science est plus ardu, dès lors qu’il s’agit d’analyser et de rendre intelligible une masse d’informations apportées par des observations, des descriptions, des recensions. Il faudra attendre la fin du xixe siècle pour que ces premiers jalons scientifiques soient posés par Paul Vidal de la Blache et plus largement l’école vidalienne, avec l'essor parallèle de l’enseignement géographique.
Pourtant, la Société de géographie connaît un regain d’activité à partir de 1864, sous la présidence de Prosper de Chasseloup-Laubat, ministre de la Marine et des Colonies, en lien avec la politique coloniale de la IIIe République. Son secrétaire général Charles Maunoir (entre 1867 et 1896) est un agent actif de l’expansion coloniale française et de sa propagande, pour laquelle la Société de géographie devient un intermédiaire privilégié. À cette époque apparaissent les sociétés de géographie de province, où affluent militaires, négociants et notables, tentés de profiter des réseaux tissés avec les acteurs de l’entreprise coloniale, notamment commerciaux. La « Société de géographie commerciale » est d’ailleurs créée en 1873, émanation d’une commission qui existait au sein de la Société de géographie dans le but de promouvoir le commerce, tout particulièrement avec les colonies. En 1878, la Société de géographie fait édifier un immeuble au 184 boulevard Saint-Germain, où elle siège encore aujourd’hui.
Au début du xxe siècle et après le départ de Maunoir, la fièvre retombe et la Société de géographie perd de ses adhérents[...]
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Écrit par
- Laurent VERMEERSCH : docteur en géographie, université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
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EXPLORATIONS
- Écrit par Jean-Louis MIÈGE
- 13 773 mots
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La Société de géographie de Paris est la première constituée, en 1821, au moment où se fondaient l'Œuvre de la propagation de la foi (1822) et la Société asiatique : un synchronisme plus qu'une symbolique. On voulait, après trente ans de renfermement dus à la Révolution et aux guerres napoléoniennes,...