SOCIÉTÉS SECRÈTES
Les mystères antiques et les sectes philosophiques et religieuses
Dans l'étude des sociétés de mystères, il est particulièrement difficile de distinguer les associations ou les confréries antiques, fondées sur la participation de leurs membres à des cérémonies au cours desquelles on célébrait les mystères du culte d'une divinité, et les sectes philosophiques et religieuses, dispensant les enseignements ésotériques à des initiés après certaines épreuves rituelles. Le type des premières initiations était, dans l'Antiquité gréco-romaine, celui des mystères d'Éleusis. Le type des secondes était l'enseignement pythagoricien. La complexité de leurs rapports mutuels provient du fait que ces initiations distinctes pouvaient fort bien s'accorder entre elles ou, du moins, ne pas s'exclure mutuellement.
Ce n'est qu'à une époque relativement tardive, aux environs de l'ère chrétienne et dans les premiers siècles de celle-ci, que la révélation secrète, clef de merveilleux pouvoirs, fut opposée à la vulgaire croyance des simples fidèles. La « révélation d'Hermès Trismégiste » appartient à cette tendance au même titre que le gnosticisme chrétien, qui prétendit rattacher son enseignement aux doctrines ésotériques révélées sous le sceau du secret par le Sauveur à certains apôtres, principalement à Mathias, selon Basilide, et à Jean. Dès le iie siècle avant J.-C., sur les rives de la mer Morte, existaient déjà en Palestine des communautés monastiques – telle la secte des Esséniens – qui semblent avoir associé des enseignements pythagoriciens à leurs croyances judaïques, pratiquant la communauté des biens, l'ascétisme et les disciplines contemplatives.
Sous l'influence de cette conception générale d'une voie du salut par la gnose – connaissance et expérience d'une illumination capable d'apporter à l'initié sa régénération et sa divinisation, symbolisées par le feu et la lumière – se produisit, au commencement du iiie siècle de l'ère chrétienne, une prolifération incroyable de sectes et de confréries secrètes presque toutes dérivées de l'hermétisme alexandrin ou bien des ophites, gnostiques ou séthiens. Il convient de signaler, en outre, que jusqu'au ive siècle la « discipline de l'arcane », qui faisait accéder progressivement par des initiations les catéchumènes à la connaissance des rites et des doctrines chrétiennes, fut en usage dans l'Église. Au début du ve siècle, la nécessité du secret était encore enseignée par l'évêque de Ptolémaïs, Synésius : « La vérité doit être tenue secrète, écrivait-il, car les masses ont besoin d'un enseignement proportionné à leur raison imparfaite. » On sait, par ailleurs, que le dernier des livres néo-testamentaires, l'Apocalypse de saint Jean, a toujours été considéré comme un ouvrage typiquement ésotérique.
Par ailleurs, les confréries antiques rassemblaient aussi des éléments sociaux d'origines et d'activités très diverses qui n'étaient nullement limitées à des spéculations théologiques ni à des contemplations mystiques. Des artisans, des marchands, des guerriers, des paysans avaient éprouvé depuis longtemps le besoin d'une solidarité profonde et durable, et d'une instruction mutuelle.
Tant que des croyances communes subsistèrent, ces groupes partagèrent, en général, les conceptions des simples fidèles des dieux du paganisme. Sous l'influence de la religion chrétienne, ils évoluèrent dans la direction de l'hermétisme ou du gnosticisme plutôt que dans celle des croyances orthodoxes et, dans beaucoup de cas, ils cherchèrent dans un prudent syncrétisme le moyen de concilier le respect qu'ils éprouvaient pour leurs anciennes traditions avec l'attirance qu'ils ressentaient pour la foi nouvelle.[...]
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Écrit par
- René ALLEAU : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil
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