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SOCIO-ANALYSE

Socio-analyse ou socianalyse : ces termes, souvent tenus pour des néologismes, semblent avoir été utilisés pour la première fois par Moreno en 1932, dans une acception très précise : l'étude du degré d'intégration d'un groupe donné (cf. Applications of Group Method to Classification, réédité sous le nouveau titre : The First Book on Group Psychotherapy). Plusieurs auteurs ont repris ensuite cette terminologie, en lui donnant des significations diverses (par exemple, en France, G. Lapassade qui se réfère à la dynamique de groupe ; R. Lourau qui représente une approche différente, mais convergente).

En réalité, le problème que pose la socio-analyse est celui de l'inconscient collectif. Il s'appuie sur un postulat : l'existence, au-delà de la « conscience collective », d'une psyché inconsciente du groupe, irréductible à l'aventure idiosyncrasique des éléments composant ce groupe. Il se développe donc dans des orientations très variées, dont plusieurs sont examinées ici. D'abord, ce que l'on oublie trop, c'est que cette question existe chez les grands classiques, et en premier lieu chez Freud lui-même ; ensuite, les psychothérapeutes en traitent, dans une perspective très différente, celle de la psychanalyse dite « de groupe » ; enfin, une première problématique de la socio-analyse peut être esquissée, en se référant aux recherches de l'école culturaliste, de l'ethnopsychiatrie, de l'ethnopsychanalyse de Géza Róheim.

Freud et Jung

Une véritable psychanalyse de l'espèce a été proposée par Freud à plusieurs niveaux, dont certains sont largement méconnus. Il a admis l'universalité de la symbolique. Les rêves, en dehors de leur aspect idiosyncrasique, qu'on peut rapporter à l'histoire du sujet prise dans la totalité de sa durée et de ses relations, sont justiciables d'une interprétation très générale, car le rêveur les construit à l'aide de catégories universelles : le rêveur parle ainsi une « langue fondamentale », inscrite dès le début de l'aventure individuelle dans le patrimoine génétique.

Cette même transmission phylogénétique est affirmée en de nombreux textes (par exemple dans Moïse et le monothéisme, 1939). C'est elle qui a imprimé certaines traces mnésiques ineffaçables (et à ce niveau, il est évident que Freud est tout proche de Jung). Freud est allé ici beaucoup plus loin qu'on ne le pense en général. Bien que sa terminologie soit quelquefois vague, et qu'il n'exprime ce qui paraît être le fond de sa pensée que d'une manière rapide et presque elliptique (comme s'il craignait sa propre audace), on peut relever l'affirmation d'un héritage spécifique en plusieurs domaines.

Les pulsions générales (Arterhaltungen), qu'il oppose aux pulsions tendant à la conservation de l' individu (Selbsterhaltungen), sont au service des besoins de l'espèce : « L'individu, écrit Freud, mène, en réalité, une double existence, comme but de lui-même et comme membre d'une chaîne à laquelle il est soumis contre sa propre volonté, ou en tout cas en dehors d'elle » (Zur Einführung des Narzissmus, 1914, cité par J. Laplanche et J.-B. Pontalis ; cf. aussi Moïse et le monothéisme, Totem et Tabou). Parmi les fantasmes originaires (Urphantasien), le principal est le complexe de castration ; on peut leur joindre la scène originaire (Urszene) du rapport sexuel entre parents ; après des hésitations, Freud ne l'a plus référée nécessairement à un vécu individuel, mais l'a raccordée à une ligne phylogénétique. Certains modèles culturels ont connu en principe une extension universelle à une époque antérieure, et sont encore prégnants dans le monde contemporain ; ils ont été diversement interprétés par les sociétés qui cherchent à se comprendre elles-mêmes[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Nice, membre de l'Académie des sciences d'outre-mer

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