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SOCIO-HISTOIRE

S'il a été d'abord mobilisé par des historiens modernistes (Daniel Roche, Roger Chartier), le terme « socio-histoire » fonctionne aujourd'hui comme un label qui désigne des recherches françaises alliant, sur un terrain d'étude historique, conceptualisation sociologique et mobilisation d'un corpus de sources constitué dans et par la mise en questions de l'objet d'étude. On pourrait présenter une telle démarche en proposant une liste nourrie de références bibliographiques, et en ajoutant qu'elle est constituée en axe de recherches dans des laboratoires et discutée dans des colloques et séminaires ; mettre en valeur des recherches pionnières, celles de l'historien Gérard Noiriel sur la socio-genèse des formes du lien social dans le cadre de l'État-nation, ou du sociologue Christian Topalov sur la naissance de la catégorie chômage ; retracer le remarquable développement de la socio-histoire en science politique, avec les travaux sur l'acte de vote, la professionnalisation du politique, ou encore l'étatisation de la société ; terminer l'inventaire des marqueurs institutionnels en disant que la démarche doit sa notoriété grandissante à l'existence conjointe d'une collection éponyme (Socio-histoires) et de la revue Genèses, sciences sociales et histoire, fondée en 1990.

Il faudrait également expliquer comment la socio-histoire participe de l'intérêt renouvelé pour les acteurs et leurs points de vue subjectifs qui a caractérisé les sciences sociales du dernier quart du xxe siècle, tout en y tenant une position particulière. Et souligner que, au contraire de la microstoria italienne et, à sa suite, du « tournant critique » des Annales, les travaux de socio-histoire refusent de se placer au seul niveau des liaisons intersubjectives, mais entendent laisser toute leur place aux médiations institutionnelles « à distance », notamment étatiques, entre les individus.

On préférera montrer que les travaux de socio-histoire se déploient non pas à partir de méthodes qui leur seraient spécifiques, mais à travers une démarche qui tente de respecter deux exigences relatives l'une à l'échelle d'observation des faits empiriques et l'autre à la construction de l'objet.

Socio-histoire et échelle d'analyse

L'échelle d'observation privilégiée par la socio-histoire est partagée par d'autres courants (comme la micro-histoire ou la sociologie des interactions) : elle consiste à saisir les pratiques des individus par un travail empirique sur des documents de première main. Fidèle aux enseignements des fondateurs de la sociologie (Émile Durkheim et Max Weber), la démarche socio-historienne consiste à interpréter les pratiques individuelles en les rapportant à leurs conditions sociales et historiques de possibilité et de déroulement. Elle considère les mondes sociaux comme des mondes de relations entre individus et surtout entre groupes. Une telle démarche ne cherche pas à saisir l'essence ou la nature des groupes sociaux, mais plutôt à préciser les contours de la configuration qui, pour un temps, établit les frontières entre ceux-ci. Ainsi, pour Noiriel, les Français ne sont pas tant un groupe fondé sur un sentiment d'appartenance, un engagement intime envers une identité, que des individus réunis par des modalités complexes d'identification à distance, essentiellement à travers l'octroi de papiers séparant les ayants-droit aux prestations garanties par l'État (les « nationaux ») de ceux qui en sont privés (les étrangers).

La socio-histoire ne se demande pas (ou pas seulement) « ce qui se joue » dans nos sociétés, mais veut plutôt comprendre « comment les choses marchent » et, revendiquant en cela l'objectivisme de ses analyses, comment elles se cristallisent et s'incorporent dans des manières de penser,[...]

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Écrit par

  • : chargé de recherche au CNRS, Centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie
  • : chargé de recherche au CNRS, Centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie

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