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SOCIOBIOLOGIE (polémique)

Ce texte date du début des années 1980. Il a été rédigé par Jacques Ruffié (1921-2004), hématologue et biologiste, professeur au Collège de France. Ruffié a violemment attaqué la sociobiologie. Ce texte illustre l’intensité de la polémique qui se développe en France après de la publication en 1975 de l’ouvrage de E. O. Wilson, Sociobiology. TheNew Synthesis.

La sociobiologie est une théorie exposée en 1975 par E. O. Wilson de l'université de Harvard (États-Unis), dans son ouvrage Sociobiology. TheNew Synthesis. Elle repose sur les deux principes suivants :

– La hiérarchie rencontrée dans la plupart des sociétés animales est d'origine génétique. Elle tient à des comportements d'agressivité et de dominance. Biologiquement, certains sujets sont faits pour commander, alors que d'autres sont faits pour obéir. Cela est vrai aussi bien chez les insectes que chez les hommes. La position que chacun occupe dans la hiérarchie sociale n'est que le fruit de la compétition qui sait reconnaître les « meilleurs » des « moins bons » ; elle lui est assignée par la sélection naturelle.

–  Tous les comportements d'un individu obéissent à une loi fondamentale, diffuser ses propres gènes d'une façon aussi large que possible. Ainsi, l'agressivité (qui conduit à éliminer tout rival sexuel), l'altruisme (qui s'applique aux membres d'une même famille portant certains gènes identiques) ne poursuivent pas d'autre but. Quant à l'altruisme que nous manifestons pour nos amis, il tient au fait que ceux-ci peuvent nous aider à élever notre progéniture et donc à diffuser plus efficacement nos propres gènes. Ainsi, les inégalités sociales, les conflits entre individus, familles ou peuples, les guerres ont des fondements biologiques. Il en est de même dans la différence de statut social entre l'homme et la femme.

L'œuf naît de la fusion d'un ovule et d'un spermatozoïde. Jusqu'à la fécondation, l'égalité entre les sexes est totale. Mais tout change par la suite : la femme enceinte devra mener à terme sa grossesse. Pendant neuf mois, elle demeure « hors jeu » (et plus longtemps encore si l'on considère la phase d'allaitement au cours de laquelle elle demeure souvent non fécondable), alors que l'homme demeure capable de diffuser ses gènes en permanence et un peu partout. Dans cette course à la diffusion des gènes, l'homme est l'éternel vainqueur. D'où la supériorité du mâle sur la femelle, que les sociobiologistes retrouvent à tous les niveaux. Mais les tenants de Wilson vont plus loin : l'homosexualité, qu'ils considèrent comme ayant un déterminisme génétique, serait douée d'une valeur sélective positive ; n'ayant pas de descendance directe, les homosexuels sont plus libres pour aider la descendance des autres.

Fondée sur la compétition et la sélection, la sociobiologie se situe dans la lignée néo-darwinienne du début du xxe siècle, que l'on peut résumer ainsi. Beaucoup de gènes peuvent exister sous plusieurs formes : une forme normale dite « sauvage », rencontrée chez presque tous les individus, et des formes anormales, ou « mutations » qui apparaissent de loin en loin sous l'effet du hasard. C'est sur les variations liées aux mutations que la sélection opère un tri, retenant les caractères les plus favorables, éliminant les autres. Ainsi, la sélection est uniformisante. En définitive, toute population est composée d'individus identiques, n'ayant conservé que les meilleurs gènes, ayant éliminé les autres. Les individus (ou les populations) qui portent des gènes inférieurs sont condamnés à être supplantés par ceux qui portent des gènes supérieurs, à moins que l'asservissement et l'exploitation des premiers ne soit utile aux seconds. Cette aptitude à l'esclavage peut conférer[...]

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Écrit par

  • : professeur au Collège de France, membre de l'Académie de médecine

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