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SOCIOBIOLOGIE

La sociobiologie : une théorie de la sélection excessivement réductionniste

L’ouvrage et son auteur se sont immédiatement trouvés au centre d’une polémique violente due à la conclusion que les gènes jouent un rôle déterminant dans les conduites sociales, y compris dans l’espèce humaine. En effet, les propositions de la sociobiologie minimisent les aptitudes acquises par apprentissage, les caractères et les attitudes culturels, voire les excluent de toute participation importante au maintien et à l’évolution des groupes sociaux. Si ces propositions peuvent s’entendre sans trop de réflexion pour des populations d’insectes, elles sont beaucoup moins « instinctivement » recevables s’agissant des populations de vertébrés chez lesquelles l’adaptabilité et non pas l’automatisme des comportements est la règle, et cela en particulier dans l’espèce humaine. L’opposition à Wilson est d’abord venue aux États-Unis de généticiens et d’évolutionnistes, comme Richard C. Lewontin, Steven P. Rose (Not in Our Genes: Biology, Ideology and HumanNature, 1984) et Stephen Jay Gould (The Mismeasure of Man, révisé en 1996). En France, après la traduction des ouvrages de Wilson, la critique est portée par des généticiens et des biologistes de renom, dont François Jacob. L’opposition est également venue de la plupart des anthropologues, sociologues et psychologues, pour lesquels la part environnementale et culturelle est centrale dans les comportements humains. Tous contestent les bases scientifiques de la théorie sociobiologique et dénoncent les présupposés à l’œuvre, eux-mêmes sous-tendus par des choix politiques. Certaines interprétations des sociobiologistes suggèrent en effet que des attitudes comme le racisme ou le sexisme, le sacrifice au chef ainsi que la violence voire la formation de groupes politiques auraient été sélectionnés car ils présentent un avantage pour la transmission de certains ensembles de gènes. Il est de fait que les théoriciens de la « nouvelle droite » en France se sont servis des propositions de Wilson pour justifier les différences entre races et l’inégalité des groupes sociaux. Pourtant, la sociobiologie ne mène pas obligatoirement à des positions idéologiques particulières et Wilson ne sembla pas avoir été nettement conservateur au plan politique. Il est intéressant de noter que Noam Chomsky, dans un débat de 1976 resté célèbre, estimait que la sociobiologie appliquée à l’homme permettait de définir la part réellement biologique de ce dernier, afin de s’appuyer sur elle pour revendiquer une meilleure société : l’exemple de Chomsky est particulièrement intéressant, car il montre que la sociobiologie n’est pas intrinsèquement « réactionnaire ». Dans ces conditions, les sociobiologistes ont presque invariablement renvoyé à la complexité des interactions entre le produit d’une information génétique et le milieu dans lequel elle s’exprime.

Les recherches d’inspiration sociobiologique tentent de définir des composantes génétiques de comportements. Il existe de fait certaines prédispositions génétiques chez l’animal. Dans quelques cas, comme celui de l’agressivité chez la souris, le comportement de l’animal est clairement dicté par l’action d’un gène unique. L’étude de certaines souris transgéniques montre la dépendance génétique d’un comportement comme l’apprentissage de l’alimentation à la mamelle des nouveau-nés. Sous la pression économique de la quête d’une plus grande efficacité dans la prise en charge de troubles comportementaux chez l’homme, d’éventuels moteurs biologiques de la violence, de l’agressivité, de l’hyperactivité, de certaines maladies mentales dont l’autisme sont particulièrement étudiés. Les résultats sont aussi très controversés : certes, on trouve des contributions biologiques, voire génétiques, à certains de ces comportements,[...]

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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