Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SOCIODYNAMIQUE DE LA CULTURE, Abraham A. Moles Fiche de lecture

C'est d'un rapport remis à la fondation Rockefeller sur le thème des relations existant entre la philosophie dynamique et les sciences humaines qu'est issu cet ouvrage. Il est par ailleurs le point d'aboutissement d'un ensemble de recherches menées entre 1958 et 1960, à la demande du Centre d'études de la Radio-Télévision française, autour de l'hypothèse de l'existence d'un « cycle socio-culturel ». Présenté dans le cadre de la fondation Solvay en 1960, ce travail témoigne de la double formation de l'auteur, docteur en philosophie et en sciences physiques, et de sa volonté, déjà visible dans Communication et langages (1962), de doter les sciences sociales, par l'entremise de l'approche cybernétique, de méthodes qui les hissent à la hauteur des sciences dites « dures ».

Mesurer la culture

Organisé en six chapitres, l'ouvrage propose une conceptualisation originale de la culture envisagée, grâce à la méthode des analogies utilisée par la théorie des modèles, comme un circuit d'échanges de produits (idées, images...) entre les individus et les différents entrepôts sociaux de stockage des idées (bibliothèques, musées...) que les mass media alimentent sans cesse en productions nouvelles.

C'est au dépassement de la simple activité d'enregistrement des faits culturels à laquelle se livrait jusqu'à présent la sociologie que se consacre le premier chapitre en proposant une définition nouvelle de la culture. Mesurable tant en extension qu'en densité, celle-ci est constituée de l'ensemble des éléments intellectuels provenant, selon leur forme, de sources diverses, présents dans un ou plusieurs esprits et matérialisés dans différents supports stables (livres, monuments...).

À partir de l'exemple fécond qu'offrent le marché économique et l'application des notions de valeur et de prix de revient aux biens et aux idées culturels, le deuxième chapitre s'attache à reconstruire le cycle de la culture depuis la formation de produits intellectuels nouveaux jusqu'à leur diffusion sélective et semi-aléatoire, après passage par le filtre normatif des autorités culturelles compétentes.

Cette économie de la culture suppose que soient remplies certaines conditions de recevabilité des messages sur lesquelles le chapitre iii revient. Entre l'incompréhension qu'engendrerait l'excès d'originalité et l'indifférence que susciterait son défaut, le message, c'est-à-dire le produit culturel, fait tenir sa valeur communicative dans une équation moyenne que transforment en règle d'efficacité suprême les mass media au moyen de toute une série de techniques de conditionnement visant, par un travail sur sa sémantique et son esthétique, à augmenter son degré d'acceptation et sa mémorisation par la société.

Revenant longuement sur l'étude de la nature et des formes des différents circuits de diffusion culturelle (peinture, littérature, science, langage, théâtre, musique), le chapitre iv s'emploie à repérer leurs constantes et leurs caractères généraux, parmi lesquels l'existence d'une boucle fermée entre créateurs et consommateurs s'avère capitale. En effet, le système de diffusion en deux temps de l'œuvre (relation directe du créateur avec son groupe de diffusion, copie de l'œuvre pour le grand public) se double d'une chaîne de réactions en retour (opinion publique, critique...).

L'existence de ces circuits bouclés autorise la mise en œuvre, au sein des canaux propres à la radio-télévision, de quatre doctrines d'action exposées dans le chapitre v : la démagogique, attirant l'individu dans l'univers du moindre effort des valeurs de consommation ; la dogmatique, visant à le placer dans un champ d'influences précis et ordonné selon une [...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne

Classification

Autres références

  • MOLES ABRAHAM (1920-1992)

    • Écrit par
    • 621 mots

    Figure originale de l'épistémologie de la communication, Abraham Moles est sans doute plus connu, et reconnu, à l'étranger – en Amérique latine et en Europe – qu'en France. Sa formation allia l'esprit d'observation du physicien à la volonté de comprendre du philosophe....