- 1. Qui sont les sociologues de l'art ?
- 2. Aux origines : l'histoire culturelle
- 3. Première génération : l'esthétique sociologique
- 4. Deuxième génération : l'histoire sociale de l'art
- 5. Troisième génération : la sociologie d'enquête
- 6. Sociologie de la réception
- 7. Sociologie de la médiation
- 8. Sociologie de la production
- 9. Sociologie des œuvres
- 10. Bibliographie
SOCIOLOGIE DE L'ART
Sociologie de la réception
L'un des actes fondateurs de la sociologie de l'art, au début des années 1960, aura été l'application à la fréquentation des musées des méthodes d'enquête statistique élaborées aux États-Unis pendant l'entre-deux-guerres. Ces sondages d'opinion ont été des instruments précieux pour rapporter la différenciation des pratiques aux stratifications socio-démographiques (âge, sexe, origine géographique, milieu social, niveau d'études et de revenu) et expliquer les premières par les secondes.
Pierre Bourdieu fut le principal initiateur de cette importation de l'enquête statistique dans le monde de la culture. La publication, en 1966 (avec Alain Darbel et Dominique Schnapper), de L'Amour de l'art. Les musées d'art européens et leur public, innovait considérablement par rapport à des conceptions plus abstraites de la sociologie universitaire. Dès lors, on ne peut plus parler « du » public en général, mais « des » publics, stratifiés par milieux sociaux, selon une formidable inégalité sociale : le taux de fréquentation annuelle des musées variait de 0,5 p. 1000 pour les agriculteurs à 43,3 p. 1000 pour les cadres supérieurs, et 151 p. 1000 pour les enseignants et spécialistes d'art. Pour expliquer ce phénomène, le recours au paramètre de l'origine sociale permet de démontrer l'influence de celle-ci, alors que, par méconnaissance ou dénégation, « l'amour de l'art » était traditionnellement mis au compte des dispositions personnelles. Bourdieu ajoute ainsi, à la notion marxiste de « capital économique », celle de « capital culturel », mesuré par les diplômes.
Deux directions de recherche s'ouvrent alors : une sociologie du goût, avec La Distinction (Pierre Bourdieu 1979), consacrée aux « pratiques symboliques », à leurs stratifications par milieux sociaux et à la critique de la naturalisation du goût comme dénégation des motivations sociales ; et une statistique des pratiques culturelles, grâce aux enquêtes administratives (Olivier Donnat, Les Français face à la culture. De l'exclusion à l'éclectisme, 1994). On y apprend notamment que la fréquentation des musées demeure une pratique assez minoritaire, qui concerne moins d'un tiers de la population, et socialement hiérarchisée, avec un écart d'environ 1 à 3 entre catégories socio-professionnelles.
Une perspective plus qualitative, centrée sur la perception esthétique, a été également ouverte par Pierre Bourdieu et son équipe avec Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie (1965), mettant en évidence l'inégalité dans la capacité à juger de la qualité formelle, plutôt que de l'agrément ou de la force du sujet. Trente ans plus tard, Nathalie Heinich prolonge ces travaux en étudiant les réactions face à l'art contemporain (L'Art contemporain exposé aux rejets. Études de cas, 1998), dans la perspective d'une sociologie des valeurs (Le Triple Jeu de l'art contemporain. Sociologie des arts plastiques, 1998), déjà amorcée à propos du cas Van Gogh dans un « essai d'anthropologie de l'admiration » (La Gloire de Van Gogh, 1991), qui, remontant aux origines de la légende de l'incompréhension, en déploie les différentes dimensions dans le « régime de singularité » qui est celui de l'art à l'époque moderne.
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Écrit par
- Nathalie HEINICH : sociologue, directeur de recherche au C.N.R.S.
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