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ÉCONOMIE SOCIOLOGIE DE L'

Une sociologie des croyances économiques

Si l'on suit l'analyse de Jean-Jacques Gislain et Philippe Steiner publiée en 1995, toute sociologie de l'économie se construit à partir d'au moins trois composantes : une théorie de l'action, une théorie des institutions économiques et une théorie de la dynamique économique. Pour chacune d'elles, les facteurs symboliques occupent une place déterminante, alors qu'ils sont minorés dans la théorie économique. La sociologie de l'économie peut ainsi se présenter aujourd'hui comme une sociologie des croyances économiques (y compris les croyances savantes), et se situer au confluent de plusieurs disciplines : histoire et sociologie économiques, sociologie de la connaissance scientifique, sociologie politique...

Une théorie de l'action économique

La sociologie de l'économie place au premier plan de l'analyse les agents (ou acteurs) sociaux, qu'elle traite de groupes, d'organisations ou d'individus. Mais elle a recours pour décrire les ressorts de leurs actions à des notions autres que celles développées par la théorie du choix rationnel ou par l'individualisme méthodologique (comme la notion d'arbitrage ou celle de choix). Si l'on va des plus proches de la théorie néoclassique jusqu'aux plus éloignées, on peut citer parmi ces notions « alternatives » celles de stratégie (beaucoup utilisée en science économique mais aussi très caractéristique des approches sociologiques des organisations et de l'économie), de pratique, de croyance et de disposition. Elles ont toutes pour fonction de marquer l'ancrage « inter-individuel » ou « inter-subjectif » de l'action économique, en n'isolant pas l'action d'un individu de celle des autres, ni non plus de tout son passé social incorporé. Ainsi, les dimensions culturelles de la pratique, le langage, la socialisation familiale, scolaire, professionnelle jouent un rôle fondamental dans la constitution d'acteurs économiques spécifiques. On ne peut prendre sérieusement en compte les agents économiques individuels indépendamment de ces caractéristiques qui sont présentes sous la forme de dispositions à agir produites par leur histoire.

Un exemple classique de la spécificité de l'approche sociologique est fourni par l'étude des pratiques de consommation et des styles de vie (Halbwachs, 1912 ; Bourdieu, 1979 ; Baudelot et Establet, 1994). Façonnés par les conditions sociales d'existence, les goûts individuels tels qu'ils s'expriment dans les choix de consommation (alimentaire, vestimentaire, en matière de logement, d'ameublement, culturelle, etc.) renvoient à l'incorporation de dispositions liées à l'origine et à la position sociale, au genre, à l'âge et à tout un ensemble complexe de facteurs sociaux.

Une théorie des institutions

La sociologie économique n'isole pas les agents des structures sociales dans lesquelles ils agissent, qui les contraignent plus ou moins fortement, mais qui sont aussi des conditions de leur action. Elle s'appuie pour cela sur des notions qui, à nouveau, s'éloignent à des degrés variables de la théorie économique néoclassique, qui est centrée sur la notion de marché : organisation, institution, profession, réseau ou encore champ. Le marché lui-même est complètement repensé à la lumière de ces notions (Granovetter, 2000 ; White, 2004).

La notion de champ permet en particulier de compléter la notion d'institution en lui donnant une dimension à la fois relationnelle et spatiale. Les luttes symboliques sont constitutives de la « vie » d'une institution (entreprise, administration, etc.) ou d'une « profession » et elles déterminent les stratégies qui apparaissent de l'extérieur comme le produit d'une rationalité unique (celle de l'entreprise, de l'État...). Au sein[...]

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Écrit par

  • : professeur de sociologie à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

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Émile Durkheim - crédits : Bettman/ Getty Images

Émile Durkheim

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