SOCIOLOGIE DE LA SANTÉ
L’importance culturelle, sociale, économique et politique prise dans tous les pays développés par les questions de prévention et de préservation de la santé, de traitement et de prise en charge des maladies chroniques et dégénératives, ainsi que par le fonctionnement, l’efficacité, le coût et la gestion des institutions médicales, explique qu’un important domaine de la recherche sociologique se soit développé pour traiter ces questions. La forte croissance du nombre des travaux, loin d’être seulement le fait des institutions universitaires et de recherche, doit beaucoup au financement d’études commandées par les pouvoirs publics, le secteur associatif et les grands organismes en charge de diriger les actions sanitaires au plan national et international (Commission européenne, U.N.I.C.E.F., O.M.S., etc.). Coexistent, de ce fait, deux grandes catégories de recherche. L’une, à caractère « académique », vise à la production de connaissances sociologiques sur la médecine, les pratiques de santé et les politiques publiques, c’est d’elle dont il sera question ici. L’autre a pour objectif de mettre les outils de la sociologie au service des institutions de santé et de répondre ainsi à la demande des organismes financeurs. Ces études, où la démarche sociologique est subordonnée aux problématiques médicales ou administratives, ne seront pas abordées dans ce cadre.
L’éventail des recherches en sociologie de la médecine, de la maladie et de la santé est d’autant plus large que les articulations avec l’anthropologie, l’histoire et la psychologie sociale sont nombreuses. La médecine y est abordée sous de nombreux aspects. Institutionnel d’abord, les hôpitaux généraux et psychiatriques, les structures de soins ambulatoires, les cabinets libéraux sont étudiés sous l’angle de leur organisation, de leur fonctionnement, de la division du travail et/ou de la nature des pratiques y ayant cours. Professionnel ensuite, avec un large éventail de recherches sur les médecins (généralistes, spécialistes, médecins de santé publique, du travail) et les paramédicaux (infirmières, aides soignantes, kinésithérapeutes). Il s’agit de comprendre comment les différents groupes professionnels se construisent, acquièrent une légitimité sociale (auprès des pouvoirs publics et de la population) et se reproduisent en mettant en œuvre des dispositifs pédagogiques associant l’apprentissage des compétences techniques spécifiques et la formation d’un « esprit de corps ». Mais aussi pourquoi et comment un groupe professionnel (tout particulièrement les médecins), en se développant, tend à se différencier selon une logique de spécialisation. Enfin, les travaux sur la spécialisation peuvent recouper des recherches qui ne sont pas centrées sur la professionnalisation mais s’intéressent aux conditions sociales de production et de diffusion des connaissances médicales dans la société ou aux processus de médicalisation de « problèmes » qui ne relevaient pas auparavant du domaine de compétence de la médecine (comme l’alcoolisme ou la contraception).
C’est en tant que faits sociaux constitutifs de la réalité du monde social que les maladies intéressent les sociologues. Ils cherchent à rendre compte de la place qu’elles (ou certaines d’entre elles) occupent dans les préoccupations d’une société ou d’une époque donnée. D’où des travaux sur les représentations dont elles font l’objet, sur les différents registres d’interprétation de leur survenue (punition divine, conséquence de désordres sociétaux ou écologiques), autrement dit sur le sens qu’elles prennent pour la collectivité mais aussi pour l’individu malade. Le « malade » est au centre de très nombreuses recherches étudiant ses relations avec les institutions et les professionnels de santé et, lorsque sa maladie est chronique, les conséquences (sur son quotidien, sa vie familiale, sa vie au travail)[...]
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Écrit par
- Patrice PINELL : directeur de recherche émérite
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